«Après 2022 ou 2027, je pense que je ferai autre chose. Les gens ne veulent plus des carrières politiques à rallonge.» Ainsi s’exprimait Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre, dans le portrait que Libération lui consacrait en 2019. L’alors secrétaire d’Etat à l’Education auprès de Jean-Michel Blanquer avait pris soin de préciser : «Vous n’êtes pas obligé de me croire.» Merci du conseil : on ne l’avait pas cru, tout simplement parce que Gabriel Attal n’y croyait sans doute pas lui-même. Une coquetterie sincère de jeune premier ? Ou un demi-mensonge de vieux briscard avant l’heure ? On penche plutôt pour la seconde hypothèse, tant le nouveau locataire de Matignon respire la politique par tous ses pores depuis longtemps. C’est pourtant factuellement indéniable : Gabriel Attal est jeune. A 34 ans, il devient le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Une vraie performance – puisqu’il détrône Laurent Fabius («Mitterrand Premier ministre» titrait déja Libération en juillet 1984) – qu’il n’y a pas lieu de lui reprocher. Au contraire, la France abandonne peu à peu cette tradition ridicule qui voulait que pour prétendre occuper une haute fonction, il fallait nécessairement avoir les tempes grises et le cuir tanné par les années.
On le lui reprochera d’autant moins qu’en réalité, Gabriel Attal ne semble pas si jeune que cela dans sa tête. Son court passage au ministère de l’Education nationale lui aura laissé le temps de nous convaincre que son art avéré de la communication, plutôt moderne, cachait des convictions conservatrices (retour de l’uniforme, promotion des classes de niveau…). De ce point de vue, la nomination de Gabriel Attal a le mérite d’être claire : elle acte le fait que rien ne change en macronie. Son projet continue d’essayer de nous faire prendre des vessies de gauche pour des lanternes de droite ou vice versa, on ne sait plus. Le problème est que la réalité de la politique menée a transformé cette usurpation en fable. Avec Gabriel Attal à Matignon, le virage à droite du macronisme se confirme.