Commencer par des excuses. Gaëlle Paty les mérite. Elle s’est confiée à Libération à la veille de la sinistre date anniversaire de l’assassinat de son frère Samuel à la sortie de son collège des Yvelines par un fanatique islamiste. Son témoignage est rare. Il est fort. Il est émouvant et construit. Il impose le respect. Gaëlle Paty dit aussi ceci : ce sentiment de dépossession qu’elle a éprouvé quand son frère, son visage, son histoire, sa vie, ont soudainement appartenu à tout le monde, donc à n’importe qui. D’où nos excuses.
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Car oui, Gaëlle, il y a quatre ans, mais aujourd’hui encore, l’assassinat de votre frère nous a fait pleurer, nous a révoltés, mis en colère, fait penser à un père, un frère, une amie, un voisin qui comme lui ont exercé ou exercent le métier de professeur, d’enseignant, d’instituteur, appelez-les comme vous voulez. Et oui, il y a quatre ans comme aujourd’hui, l’estomac qui se noue, l’émotion qui dresse les poils sur l’avant-bras, les tripes qui parlent, continuent de se mélanger avec ces forces de l’esprit qui nous invitent à ériger ce métier au-dessus de tous les autres. Et donc à faire de votre frère «ce héraut», cette «vigie», ce symbole de l’éducation, des savoirs, de l’école, de la liberté de penser, ces armes, les seules, capables de vaincre le fanatisme, le terrorisme.
«Mon frère n’avait aucun combat, aucune colère. Sa seule volonté était de former des esprits libres. Et il y a mis toute son énergie. […] Ce qu’il adorait faire, c’est réfléchir et faire réfléchir», nous dites-vous pour rectifier le portrait de votre frère, et vous le réapproprier. Qu’ajouter ? Que c’est évidemment le fond de l’affaire : former des esprits libres. Samuel Paty y a consacré sa vie. Il en est mort. Dominique Bernard en est mort. C’est insupportable. Et vous voler un peu votre frère, Gaëlle, c’est aussi dire que ce combat pour l’école, contre l’obscurantisme, ne peut être perdu.