Depuis le 9 juin, les électeurs et les électrices de gauche se divisent en trois catégories : les abattus, qui ne veulent plus rien savoir ni entendre, persuadés que la cause est perdue, que les désaccords au sein du Nouveau Front populaire sont trop profonds et que le rouleau compresseur de l’extrême droite est inarrêtable ; les combatifs, pour qui un attelage de gauche dépareillé vaut mille fois mieux que le RN, prêts à se retrousser les manches, à tracter dès l’aube sous la pluie ou à tenter de récupérer le moindre récalcitrant en faisant du porte-à-porte ; et, entre les deux, les désarmés, qui se sentent impuissants à participer à la campagne électorale, ne sachant ni à quelle porte toquer pour proposer leur aide ni s’il est encore temps. Si l’on en croit les initiatives prises ici ou là, en divers coins de France, il n’est pas trop tard pour tenter de convaincre, notamment au sein des classes populaires, celles et ceux qui se sont abstenus ou qui ont voté RN par désespoir ou colère et non par conviction qu’ils ne connaîtront aucune amélioration de leur sort une fois leur candidat favori au pouvoir, bien au contraire.
«C’est peut-être le sens du militantisme que de lutter là où ce n’est pas encore gagné», observe le sociologue Benoît Coquard dans notre enquête. Parfois, il suffit de peu de choses pour changer la donne dans une circonscription. Le Nouveau Front populaire a ainsi recensé sur son site 78 «swing-circo» (sur le modèle des «swing-states» américains) susceptibles de basculer en faveur de la gauche. Dans ces circonscriptions-là, des associatifs, des militants, de simples volontaires vont chercher les voix avec les dents et surtout rassurent ceux qui ne savent plus pour qui voter. Oui, il est normal d’être perdu, de ne plus croire en la parole politique, mais le danger qui nous guette, alors que la guerre bat son plein aux portes de l’Europe et que nos libertés sont menacées, est trop grand pour prendre le risque de rester chez soi. La gauche a de vrais projets en matière de rénovation des services publics ou de défense des droits des femmes, par exemple, il faut l’expliquer inlassablement. On dit que l’adversité pousse à être inventif, c’est le moment de le prouver.