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Libération
L'édito de Paul Quinio

Glacier disparu : une image si triste qu’elle déborde du cadre

Les photos prises en Suisse à quinze ans d’intervalle par un couple de Britanniques ne racontent pas la catastrophe climatique à venir. La catastrophe est là, sous nous yeux.
Le glacier du Rhône dans les Alpes suisses en août 2019. (Camille Moirenc/Hemis.AFP)
publié le 7 août 2024 à 20h47

C’est l’histoire d’une photo de vacances fixée sur une porte de réfrigérateur dans une maison de Bristol, en Angleterre. C’est l’histoire tellement banale de cette envie très humaine de reproduire des années plus tard le même cliché, au même endroit, avec le même angle de vue, le plus précisément possible. Immuabilité du décor, quelques changements à la marge plaisants à observer, mais surtout vieillissement des hommes ou des femmes au premier plan. Quelques cheveux gris en plus, ces vêtements aussi qui disent le temps qui a passé. Duncan et Helen Porter, nos deux touristes british qui ont pris la pose la première fois le 5 août 2009, la seconde ce 4 août 2024, devenus parents entre-temps, n’y ont pas échappé.

Mais leurs photos racontent un autre choc, car cette fois c’est le décor qui a davantage changé que les hommes. L’arrière-plan : le glacier du Rhône, dans les Alpes suisses. Sa puissance s’impose dans la première image. Sa mort plane au-dessus de la seconde, et Duncan raconte en avoir pleuré. Cette histoire de famille aurait pu rester une histoire de frigo. Si elle a été partagée des millions de fois sur les réseaux sociaux, c’est parce qu’elle raconte l’histoire dramatique du réchauffement climatique, avec un grand R.

L’image ne raconte pas la catastrophe à venir. La catastrophe est là, sous nos yeux, dans une image si grise, si triste, qu’elle déborde du cadre. L’impact du réchauffement climatique sur l’avenir des glaciers est connu, documenté depuis des années par les scientifiques, du Giec ou d’ailleurs. Mais l’émotion cette fois s’en mêle, telle un précieux renfort à la démonstration des spécialistes, qui ont établi que 17 % du glacier du Rhône ont fondu entre 2009 et 2024. Ou que 1 000 de ses petits cousins ont disparu des Alpes suisses en quelques décennies. En France, même tragédie : d’ici vingt-cinq ans, plusieurs centaines ne pourront plus être pris en photo.