Si les buts de guerre des dirigeants israéliens semblent bien illusoires (éradiquer le Hamas et «sécuriser» Gaza), ceux du Hamas semblent malheureusement en passe d’être atteints : pousser Israël à bombarder l’enclave palestinienne de façon disproportionnée afin de provoquer l’émoi puis l’indignation du monde entier, entraîner les forces de Tsahal à l’intérieur de Gaza afin qu’elles s’y embourbent, et étendre son influence bien au-delà de l’enclave afin de devenir un acteur politique de premier plan sur la scène régionale. Et si cela doit passer par le sacrifice de plus de 20 000 Palestiniens, dont de nombreux enfants, le mouvement islamiste l’accepte, c’est pour lui un moyen de parvenir à ses fins.
Nous avons déjà documenté l’engouement qu’il suscite auprès des jeunes de Cisjordanie, poussés à bout par les colons et les soldats israéliens et ulcérés par la passivité de l’Autorité palestinienne. Le reportage que nous publions dans le camp palestinien de Sabra, au sud de Beyrouth, montre que le Hamas marque aussi des points au Liban, sur les terres mêmes du Hezbollah, le mouvement cousin, également financé et opéré en sous-main par le régime iranien. Dans un Liban à l’abandon, où les jeunes n’ont aucune perspective, la violence est là aussi le seul horizon. Et le Hamas y apparaît comme celui qui aura réussi à humilier et fragiliser Israël. Se contentera-t-il de continuer à vivre dans l’ombre du Hezbollah ou les deux mouvements vont-ils finir par entrer en concurrence ?
S’il parvenait à faire libérer quelques chefs importants dans le cadre d’un échange de prisonniers palestiniens et d’otages israéliens, dont Marwan Barghouti, un des leaders du Fatah, le Hamas marquerait assurément des points et renforcerait son emprise sur les territoires palestiniens mais aussi dans les camps de réfugiés du Liban. Cet avenir bien sombre qui se profile, alors que le Premier ministre israélien persévère dans sa fuite en avant mortifère, est la preuve de l’importance vitale d’offrir un vrai projet politique à des populations si désespérées qu’elles sont prêtes à tout, et surtout au pire.