On a beaucoup dit et écrit que les Ukrainiens n’auraient jamais pu résister à l’invasion russe – du moins aussi longtemps – sans l’aide des Occidentaux, en termes de livraisons d’armes et de renseignement. Cela reste incontestable. Mais une chose est sûre aussi : les Ukrainiens n’auraient pas pu s’en sortir sans leur incroyable esprit de résistance, leur détermination et leur débrouillardise au cœur même de la nuit et du froid. C’est ce qui ressort de ce formidable reportage que nous publions «dans la pampa cabossée de Kherson», au nord de la Crimée, là où tout se joue ces jours-ci, c’est-à-dire la reprise d’une des seules villes d’importance dont les Russes gardent le contrôle en Ukraine plus de huit mois après le début de leur offensive. Une reprise qui, si elle se confirmait, aurait une portée symbolique majeure, de celles qui peuvent faire basculer le cours d’une guerre.
Reportage
Pour raconter cette bataille de Kherson qui se prépare, nos envoyés spéciaux ont choisi de s’attacher à… un postier. Oui, vous avez bien lu, un postier de Nova Poshta («Nouvelle Poste»), véritable institution en Ukraine, dont les employés accourent dès qu’une zone se libère afin de rétablir les livraisons. Cela n’a l’air de rien mais ces livraisons sont souvent vitales pour des habitants vivant dans des ruines, privés de tout, et ces postiers prennent des risques considérables pour leur porter secours, rétablir le seul lien possible entre eux et le monde extérieur. Ce reportage est important pour l’énergie, les pulsions de vie qu’il dégage, il en dit beaucoup sur l’état d’esprit des Ukrainiens alors que, en face, les militaires russes semblent fébriles, plus proches du sauve-qui-peut que de la contre-attaque, même si rien n’est encore joué. Pour le coup, eux manquent de tout, de l’équipement le plus élémentaire jusqu’à la conviction de se battre pour une bonne raison. Et ce dénuement sera peut-être déterminant dans l’issue de cette bataille, voire de cette guerre alors que le froid de l’hiver menace.