Ils sont tous ébahis d’avoir été mis en examen pour ça. Après tout, ils n’ont tué personne, expliquent-ils à l’audience, et ils font ça depuis toujours. Qui sont les cyberharceleurs de la metteuse en scène Rébecca Chaillon, dernière victime en date d’une multitude d’artistes ayant subi ces dernières années une campagne de haine déversée en ligne sous le (faux) couvert de l’anonymat ? Suivant la journée d’audience au tribunal de Paris, notre journaliste a pu constater que les assaillants estimaient avoir droit à leur liberté de parole, tout en racisme décontracté : «Elle a dû oublier que mon grand-père fouettait le sien sur un champ de coton», par exemple.
Selon les dernières statistiques, 36 % des mineurs et 40 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement en ligne, et les personnes musulmanes, noires, asiatiques ou juives sont plus attaquées que d’autres. Mais ce véritable fléau, qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé mentale de ses victimes, se propage partout et contre tous. Libération en pointe régulièrement les causes, comme l’inaction européenne face à l’instrumentalisation des géants américains du droit à la liberté d’expression, en particulier X (ex-Twitter) et Facebook, deux des réseaux sociaux mis en cause au procès.
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L’anonymat en ligne, même illusoire, reste un facteur majeur dans la montée du cyberharcèlement, ainsi que l’immunité accordée aux réseaux sociaux par nos lois sur la diffamation et l’incitation à la haine, sous prétexte que ces plateformes ne sauraient pas quels sont les contenus qu’elles diffusent ; le sénateur Claude Malhuret avait expliqué le mois dernier dans un entretien à Libération de quel subterfuge se servent leurs propriétaires, tous multimilliardaires américains ou chinois, pour déstabiliser notre démocratie.
Enfin, ces déferlements d’injures épouvantables ont un responsable, le polémiste en ligne qui organise l’attaque en sifflant sa meute. Il est temps de lui reconnaître une responsabilité accrue, comme on l’a fait pour les «passeurs» de migrants. Il est temps de décider que la haine ne passera pas.