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Libération
Editorial

Jean-Luc Mélenchon en 2022, du boulevard au chaos

Gauche 2022 : le grand embouteillagedossier
Le chef de file de La France insoumise aurait pu capitaliser sur le succès de la Nupes pour pousser encore plus loin l’union des gauches. Mais sa gestion de l’affaire Quatennens et des équilibres internes à son parti a grippé la machine.
Jean-Luc Mélenchon à Paris le 17 juin. (Denis Allard/Libération)
publié le 22 décembre 2022 à 20h14

Dans quelques décennies, ce sera un cas d’école passionnant à étudier dans un cours de Sciences-Po : comment affaiblir en quelques mois un projet politique dingue, ambitieux et rassembleur que l’on a passé des années à préparer puis conclure ; comment se prendre à ce point au jeu du mot «rupture», érigé en mantra, que l’on en finit par rompre soi-même. C’est peu ou prou ce qui arrive à Jean-Luc Mélenchon. Six mois après avoir réussi un coup objectivement magistral, rassembler une gauche éparpillée et désunie que rien ne semblait devoir réconcilier, six mois après être devenu le leader d’une des trois principales forces politiques représentées à l’Assemblée nationale, ce vieux briscard de la gauche se retrouve ombre flageolante d’une union qui peine à enclencher la marche avant. Il avait un boulevard en juillet, il se retrouve sur un chemin de crête en décembre, voire une voie de garage, diront les plus méchants. A moins qu’il n’orchestre savamment le chaos pour apparaître comme le seul à même d’émerger le moment venu. Tout est possible de la part de Jean-Luc Mélenchon, l’histoire l’a montré.

On a vu le pire lors du déplorable épisode «la République, c’est moi !», on a vu le meilleur lors de la création de la Nupes au début de l’été, on a revu le pire ces dernières semaines, entre gestion calamiteuse de l’affaire Quatennens et purge interne. Les jeunes insoumis, qui le considéraient comme une icône il y a peu, n’ont pas compris qu’il prenne la défense du député du Nord qui reconnaissait avoir giflé sa femme et, pire, qu’il souhaite le voir revenir très vite sur les bancs de l’Assemblée. Ses lieutenant(e) s qui commençaient à manifester leurs ambitions, Autain, Ruffin ou Corbière, n’acceptent pas leur soudaine éviction de la direction nationale. Quant aux écolos et aux socialistes, qui lui mangeaient dans la main il y a quelques mois encore, conscients que, sans lui, ils ne comptaient plus, ils ont soudain des envies d’émancipation, notamment à la faveur des européennes. Jean-Luc Mélenchon voulait la rupture et le chaos, il les a obtenus. Pas sûr encore que cela tourne à son avantage.