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Libération
L'édito de Paul Quinio

Jean-Luc Mélenchon-François Ruffin : le pavé communautariste dans la mare de la gauche

Le député de la Somme reproche au leader insoumis de monter des murs entre les Français alors que selon lui il faut construire des ponts sans assigner quiconque à une identité ethnique ou religieuse.
François Ruffin accuse Jean-Luc Mélenchon d'avoir oublié l’électorat populaire des bourgs et des campagnes. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 12 septembre 2024 à 20h41

Un «désaccord électoral et moral». C’est en ces termes que François Ruffin a expliqué dans une interview cette semaine au Nouvel Obs sa rupture avec Jean-Luc Mélenchon, entretien dans lequel il reproche explicitement au leader insoumis sa stratégie communautariste, mortifère pour la gauche. Alors que le député de la Somme sort un livre intitulé Itinéraire-Ma France en entier, pas à moitié, il accuse son ancien camarade d’avoir «théorisé» pour la campagne présidentielle de 2022 le fait de s’adresser à un électorat de banlieue dit «racisé», en oubliant l’électorat lui aussi populaire des bourgs et des campagnes, tombé dans les bras de l’extrême droite et qu’il serait inutile d’essayer de reconquérir.

Au passage, François Ruffin admet avoir lui-même mené «une campagne au faciès» en 2022, et d’en avoir honte aujourd’hui. Si les insoumis sont évidemment tombés à bras raccourcis sur leur ancien camarade, ils lui ont davantage reproché de diviser la gauche à un moment inopportun que contesté le fond des attaques de l’ancien journaliste. Cela aurait été difficile après la tonalité de la campagne insoumise des européennes, ou après que Jean-Luc Mélenchon a déclaré en marge de la manifestation du 7 septembre qu’il fallait «mobiliser la jeunesse et les quartiers populaires, tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps». Sur le plan électoral, la querelle est en réalité assez surréaliste. L’étiage de la gauche est aujourd’hui trop bas pour la voir minauder sur tel ou tel segment de l’électorat populaire qu’elle aurait le luxe de snober.

Sa diversité devrait de ce point de vue être plutôt comme un atout qu’un inconvénient… à condition de ne pas être en «désaccord moral». François Ruffin assume désormais de l’être avec Mélenchon, mais le clivage traverse toute la gauche. Le député de la Somme estime que le rôle de la gauche n’est pas d’ériger des murs entre Français mais plutôt de «construire des ponts». La formule est séduisante. Sans assigner quiconque, ajouterait-on, à une identité sociale, géographique, ethnique et encore moins religieuse.