La fête est finie ? Eh bien non ! Il faut en tout cas espérer que, comme ce fut le cas à Londres en 2012, les Jeux paralympiques qui débuteront le mercredi 28 août pour se conclure le 8 septembre prolongeront la fiesta, l’engouement populaire, l’admiration devant les performances sportives, le partage d’émotions aussi fortes que celles que nous venons de vivre pendant quinze jours. Mais, c’est vrai, une période de retour à la normalité s’ouvre ce lundi pour une quinzaine de jours. Ce qui revient à reconnaître que la quinzaine qui s’est achevée dimanche 11 août au Stade de France avec la cérémonie de clôture a bel et bien été anormale. L’expression consacrée pour résumer ces Jeux de Paris qui ont dépassé toutes les espérances sur l’échelle de Richter de la réussite ? «Parenthèse enchantée». Le vocabulaire se discute, le constat non : organisation quasi sans faille, stars internationales au rendez-vous, palmarès tricolore inédit, ferveur inégalée et bonne humeur insoupçonnée. Les Jeux sont morts, vive les Jeux ! On s’emballe par esprit cocardier ? Il suffit d’écouter les délégations ou de lire la presse étrangère pour se convaincre que non. Du 26 juillet au soir, grâce au souffle d’une cérémonie d’ouverture hors norme, au 11 août avec le passage de la flamme par Anne Hidalgo à son homologue de Los Angeles, la France et sa capitale sont restées sur un nuage, mais sur fond de ciel bleu azur. Allez comprendre !
En joie ou en larmes, prostrés ou illuminés
Comprendre ce qui vient de se passer justement… C’est le défi qu’il faut relever face à l’inhabituel, à l’extraordinaire, à ces surprises qui bousculent les vérités comme les clichés, en admettant que les réponses sont forcément à chercher dans un cocktail rationnel-irrationnel qui n’est pas propre au sport, mais que le sport sublime. Pour chercher à comprendre, donc, une première question simple : puisque nous nous sommes plu, ces derniers temps, à regarder dans le rétro des Jeux de Paris de 1924, comment, dans cent ans, parlera-t-on de cette édition 2024 ? Quelles archives seront exploitées pour mieux la raconter ? Il y a fort à parier qu’il y sera question de ce terrain au pied de la tour Eiffel, de ce Grand Palais où a résonné une ambiance de stade de foot, de ces ponts parisiens transformés en gradins, de ces jardins du château de Versailles devenus centre de compétition équestre, de cette rue Lepic qui a déjanté sous l’effet d’une course de vélo. En 2124, on parlera de cette première tentative réussie d’installer les Jeux dans la ville. Ce pari un peu fou a largement contribué au succès populaire. Il envoie aussi le message progressiste, en passant, qu’un patrimoine exceptionnel ne se cultive pas uniquement en l’aspergeant de formol. La cérémonie d’ouverture l’avait aussi remarquablement démontré.
Que poser d’autre sur l’étagère du bilan ? D’abord, parce que les Jeux sont avant tout une compétition sportive, des visages d’athlètes, en joie ou en larmes, prostrés ou illuminés. Des performances. Des records battus. Des médailles en pagaille autour d’un cou, celui du nageur Léon Marchand ou de la gymnaste Simone Biles. Des parcours exceptionnels, le judoka Teddy Riner, la nageuse Katie Ledecky. Une barre si haute franchie comme on enjambe un ruban de chantier pour Armand Duplantis. Et puis les frangins Lebrun, ces copains d’avant croisés dans la cour de récré de notre enfance. Des graal aussi qui ne seront jamais atteints, ou pas cette fois, ce ciel qui tombe sur la tête d’Uta Abe, de Sofiane Oumiha, de tant d’autres.
Chauvinisme bon enfant
Avec eux, difficiles à caser sur l’étagère, les émotions qu’ils ont procurées à ceux qui les ont regardés, au stade, dans les fan zones, dans le canapé du salon. Les poils qui se sont dressés sur l’avant-bras. Les larmes qui sont montées. Sans honte. Au milieu d’une foule ou seul(e) devant sa télé. Ces cris, aussi, difficiles à refréner. Question de moment, d’engouement, d’affinité, de tempérament, de nationalité. Ces émotions, à Paris ou Albuquerque, à Pinas ou Alger, ne se quantifient pas. A chacun ou chacune les siennes.
A chacun ou chacune les siennes ? Oui et non, et, plutôt non en France, tant ces Jeux ont dégagé une ferveur collective, suscité un engouement populaire inattendu, sublimé un chauvinisme bon enfant à rendre la Marseillaise presque belle, imposé une image rassembleuse de nos différences. Les Français se sont pris aux Jeux au-delà du raisonnable et ils ont bien fait. Ils en avaient besoin. Ils ont, alors que la politique est en vacances, pris le pouvoir pendant quinze jours pour écrire leur présent. Comme un peuple souverain assumant un délire mature.