La fameuse édition de mai 1968 risque-t-elle de se reproduire ? Car le Festival de Cannes se déroulera cette année sur fond de bouleversements géopolitiques, culturels et sociaux d’une ampleur inédite, qui seront difficiles à éviter dans les salles de projection et en dehors. On se demandait qui pourrait présider le jury avec assez d’autorité et de bienveillance pour éviter un possible embrasement, et la réponse paraissait soudain évidente. Juliette Binoche – on vous a dit que la réponse était évidente – a répondu aux questions de notre journaliste avec sa candeur habituelle, et avec cette intrépidité généreuse qui la guide depuis toujours. Cannes ? «Un lieu de provocation, d’étonnement», dit-elle, acceptant donc d’emblée de diriger une instance où tout peut arriver. La preuve, le festival s’ouvre mardi et Donald Trump a déjà dégainé, définissant les films étrangers comme «une menace pour la sécurité nationale» des Etats-Unis.
Festival de Cannes
La présidente du jury 2025 est la preuve du contraire, ayant reçu un oscar à Hollywood pour le Patient anglais. Si ce débat est dépassé, d’autres attendent leur tour, comme l’importance des séries au festival, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les films et les conditions de tournage pour les acteurs et certainement pour les actrices. Il y a un an, Binoche révélait dans Libération les multiples agressions en tout genre auxquelles elle a dû faire face dans ses débuts au cinéma, un monologue #MeToo glaçant qui résonne encore dans ce milieu du cinéma trop souvent froid et apathique. Pansant ses blessures, elle a continué sa montée des marches en récoltant pratiquement tous les honneurs possibles, illuminant au passage des films que son talent a transformés en chefs-d’œuvre. Alors, l’agitation à Cannes, ça va, elle connaît.