L’intelligence artificielle, IA pour les intimes, peut-elle éradiquer l’humanité ? Bien des scientifiques le pensent, y compris plusieurs de ses co-inventeurs. Mais les investisseurs, eux, ne peuvent s’attarder à avoir ce genre de scrupules, alors que leurs concurrents redoublent d’effort. Et c’est ainsi que le psychodrame autour de la société OpenAI, l’inventrice de ChatGPT et de bien d’autres innovations de l’intelligence artificielle, s’est réglé en un temps record. Moins d’une semaine après que le conseil d’administration de la compagnie a limogé le directeur général, Sam Altman qui, pour lui, avançait trop vite sur des modèles «trop dangereux», ce dernier a été réinvesti dans ses fonctions et ce sont les trois membres «trop prudents» du conseil d’administration qui prennent la porte.
Nos journalistes ont analysé les rôles des uns et des autres dans cette start-up pas comme les autres, où le conseil d’administration était supposé veiller à ce que l’IA y soit développée «pour le bénéfice de l’humanité tout entière». Encadrée par des universitaires, des scientifiques et des philosophes, la compagnie craignait que sa propre invention puisse causer des dégâts humains incalculables. S’il est vrai que l’imprimerie, le tracteur, le téléphone, l’électricité, le chemin de fer et bien d’autres inventions majeures ont d’abord suscité des prophéties alarmistes, la rapidité avec laquelle l’IA s’impose dans le paysage économique, culturel et social mondial sans aucun garde-fou est sans précédent. Nul ne peut ignorer une technologie qui pourrait changer le monde en profondeur, et toute menace crédible pour l’humanité doit être prise au sérieux. Et pourtant, après un bras de fer que seul le capitalisme américain peut engager sans aucune pudeur, les futurs gains de Microsoft et autres ont été préférés à la réflexion recommandée par le conseil. L’une des membres ainsi remerciée, la scientifique Helen Toner, a exprimé ce mercredi 22 novembre son soulagement «de pouvoir enfin dormir un peu». Face à ces développements inquiétants, c’est maintenant à nous de passer des nuits blanches.