La libération d’otages détenus par le Hamas apparaît plus proche que jamais, suscitant d’immenses espoirs et une appréhension que l’on devine chez les familles des 240 personnes disparues. Faire avancer le plus possible l’heure de leur retour est naturellement la première priorité du Quai d’Orsay ; dans une grande interview à Libération, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, le confirme, rappelant que huit Français sont portés disparus, dont des enfants. Mais le seul moyen pour la France de peser sur les négociations a été de passer par ses alliés, le Qatar, les Etats-Unis ou l’Egypte, dont l’influence sur les protagonistes est bien plus importante que la sienne.
Nombre de politiques font mine de s’en étonner, et on s’étonne de leur étonnement. La politique française au Moyen-Orient se caractérise depuis toujours par des zigzags aussi brusques qu’inattendus, déroutant les deux camps. Occupant Gaza et Khan Younès en avril 1917, la France y mit en place un «camp de concentration des indigènes», avant d’assurer la même année le mouvement sioniste de sa sympathie pour «la renaissance de la nationalité juive, sur cette terre d’où le peuple d’Israël fut chassé il y a tant de siècles» dans une lettre du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Jules Cambon.
Le grand roman d’amour entre l’Etat d’Israël et la France allait être liquidé par de Gaulle qui, dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967, alla jusqu’à l’escamoter, expliquant qu’«une fois mis un terme à l’affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d’Orient la même politique d’amitié, coopération, qui avait été pendant des siècles celle de la France dans cette partie du monde». Depuis, que de rééquilibrages, que de déclarations contradictoires, que de volte-face ! «Il est possible d’être solidaire à la fois des Israéliens et des Palestiniens», affirme Catherine Colonna, et on ne peut qu’applaudir cette déclaration de bon sens ; il est temps pour la France de prouver qu’elle peut maintenir ce cap, conformément à sa soif de justice et d’impartialité.