Dans quel état d’esprit êtes-vous alors que l’examen du projet de loi immigration débute à l’Assemblée nationale ? Fébrile comme Gérald Darmanin, sous la pression des députés Les Républicains qui pourraient voter la motion de rejet du groupe écologiste, et ainsi rejeter son texte dès ce lundi 11 décembre ? Excité comme un commentateur politique face à cette partie de poker qui promet son lot de retournements tactiques, coups de théâtre et un énième 49.3 ? Inquiet comme la Défenseuse des droits, Claire Hédon, qui estime que les débats porteront sur un texte qui bafoue la dignité et l’égalité ? Exaspéré, comme nous, des discours qui attisent les peurs et la haine de l’autre dans un contexte où les groupuscules racistes manifestent et mènent des opérations punitives au grand jour ? Dépité de voir les députés débattre d’une loi qui vise, in fine, à accueillir moins bien, soigner moins bien ou intégrer moins bien en France ?
Reportage
Dans ce contexte de tensions et de renfermement sur soi-même, il est essentiel de faire savoir que dans notre pays, sur le terrain, la tolérance est aussi très présente. Des hommes et des femmes la pratiquent au quotidien. Ceux que vous verrez en une de Libération ce lundi aident, seuls ou au sein d’associations, des familles d’exilés, des sans-papiers, des démunis. Leurs actions, parfois clandestines, sont à des années-lumière des débats politiques et médiatiques qui se durcissent et nous font, trop souvent, perdre foi en l’humanité. Ils sont agents municipaux, professeurs des écoles, membres d’associations d’aide aux réfugiés. Ils vivent à Lyon, dans le Val-de-Marne ou à Paris. Et ils sont décisifs. Comme l’a été Cédric Herrou, l’agriculteur de la vallée de la Roya, condamné en 2017 pour avoir aidé près de 200 migrants à passer la frontière franco-italienne, ce que des militants avaient qualifié de «délit de solidarité». Devenu symbole de l’aide aux migrants, Cédric Herrou avait été définitivement relaxé après que le Conseil constitutionnel a reconnu, la valeur constitutionnelle du principe de fraternité, une première. Son histoire a commencé en 2011, quand il a pris des Tunisiens en stop. «Je ne demande pas leur carte d’identité aux gens avant de les aider», expliquait-il à Libération. Nous vous laissons découvrir comment la fraternité s’est imposée dans le quotidien d’Amaury, Ani, Dok, Mylove et bien d’autres.