Nous savons tous et toutes confusément que nous sommes bien peu de chose, voués à devenir un jour ou l’autre cendres ou poussières, mais cela devient une évidence à l’instant où nous plongeons dans les méandres des grandes affaires d’héritage dans le monde de l’art. On y découvre qu’un artiste de renommée mondiale, entré dans les livres d’histoire, peut facilement disparaître de la scène publique parce que son héritage donne lieu à des passes d’armes homériques et stériles ou, tout simplement, parce que l’un de ses héritiers refuse d’exposer ses œuvres. L’histoire de la succession de Victor Vasarely en est l’illustration flagrante.
Voilà un homme qui était au top de la notoriété et du succès dans les années 70 et qui est en passe de devenir aujourd’hui un «peintre de sous-préfecture», a confié l’historien de l’art Arnauld Pierre à nos deux enquêteurs. Par sa faute (il a inondé le marché, abaissant sa cote), mais surtout par celle de ses héritiers : sa bru Michèle Taburno-Vasarely, femme de son fils cadet Jean-Pierre, dit Yvaral, et le fils de ce dernier, Pierre, qui dirige la Fondation Vasarely en faisant de la rétention de tableaux et en multipliant les procédures judiciaires… notamment contre sa belle-mère qu’il accuse de piller le trésor laissé par Victor.
Nous avons enquêté sur l’affaire, de Paris à Aix-en-Provence, en passant par Porto Rico (en visioconférence, restons sobres en bilan carbone) et le résultat est digne d’un polar avec ses coups bas, ses rebondissements et ses flèches empoisonnées. A le lire, on pourrait se dire qu’au fond, mieux vaut ne pas avoir de descendance quand les enjeux sont tels, mais il suffit de se pencher sur la succession d’Alberto Giacometti pour réaliser que l’appât du gain peut susciter des convoitises bien au-delà du cercle familial.