A quelques jours de l’ouverture du Festival de Cannes, les professionnels du cinéma retiennent leur souffle. Les accusations d’agressions sexuelles seront-elles l’éléphant dans la pièce, le sujet auquel tout le monde pense mais que personne n’ose aborder de front ? Ou ce rendez-vous annuel sera-t-il au contraire l’occasion d’un grand nettoyage de printemps tant le linge sale semble s’accumuler dans les arrière-cours ? L’enquête que nous publions sur le patron du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui devrait être de toutes les festivités, est en tout cas édifiante. Renvoyé devant le tribunal correctionnel le 14 juin pour «agression sexuelle» sur son filleul, Dominique Boutonnat – qui conteste les faits – continue à se comporter comme si de rien n’était, assuré de garder le soutien des pouvoirs publics.
Enquête
L’homme, à qui cette impunité semble enlever tout filtre, est en effet défendu par tous les ministres de la Culture alors même qu’une bonne partie du milieu du cinéma réclame son départ. On se souvient des mots très forts de Judith Godrèche devant le Sénat mi-mars : «Il est important d’avoir à la tête du CNC quelqu’un d’irréprochable car cette industrie est malade.» A tout le moins, Boutonnat devrait se mettre en retrait le temps de son procès. Organisme crucial pour le financement du cinéma hexagonal, le CNC garantit l’exception culturelle française et peut difficilement se permettre d’avoir à sa tête un homme en qui la profession n’a plus confiance. Parti du cinéma américain en 2017 avec le scandale de l’affaire Weinstein, la vague #MeToo a mis sept ans à traverser l’Atlantique, même si certaines comédiennes ont tenté de briser l’omerta, à l’image d’Adèle Haenel quittant avec fracas la séance de remise des césars en 2020. Après les remous des affaires Depardieu, Jacquot ou Doillon, la vague submergera-t-elle la Croisette mardi ? Beaucoup en rêvent. Certains en tremblent.