Faisons un vœu : puisse le débat qui s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale sur le projet de loi à propos de la fin de vie se dérouler dans une atmosphère digne. C’est un texte important, attendu depuis longtemps par beaucoup, qui mérite que soient laissées aux vestiaires les postures politiques, malgré la campagne électorale en cours. A l’heure de la promotion de la culture du clash, de la polémique permanente, de l’injonction au noir ou blanc, au pour ou contre sans place pour la nuance, cela ferait du bien à tout le monde d’avoir dans l’hémicycle un débat non pas édulcoré ou fade, mais solennel et respectueux. Non pas que ce sujet de la fin de vie, de l’aide à mourir et des modalités permettant à un malade de demander assistance pour mettre un terme définitif à ses souffrances n’obéissent en rien au clivage gauche-droite ou progressistes-conservateurs. Ces lignes de fracture restent pertinentes, et l’adoption de cette loi, redoutée par certains, sera un progrès incontestable.
Mais cette grille de lecture ne peut résumer un débat où, comme rarement, des convictions politiques peuvent être bousculées, percutées, fragilisées, contredites par l’expérience intime et possiblement bouleversante que constitue l’accompagnement d’un ou d’une proche vers la mort. Ces frottements entre des positions idéologiques assumées et des émotions personnelles obligent à une chose : respecter les doutes, les siens, ceux d’autrui, qui peuvent jalonner la prise de décision, tant qu’ils sont honnêtes et ne relèvent pas de la posture. Douter n’empêche en rien de trancher. Se prononcer en faveur de l’aide à mourir n’empêche en rien d’entendre les voix des deux bords qui, de bonne foi, hésitent, voire se prononcent contre. Accepter de douter, sur un sujet comme celui-là, c’est accepter sa propre fragilité devant la mort. C’est aussi la meilleure manière de convaincre les hésitants des deux camps qu’il est temps de franchir le pas.