Il n’y a pas de raison de changer une équipe qui perd… Le Premier ministre, mercredi 20 février lors de sa conférence de presse, a confirmé avec ses annonces qu’il entendait poursuivre le mano a mano qu’entretient le pouvoir politique avec le puissant syndicat agricole français. Il ne date pas d’hier. Mais la «révolution» macronienne ne passera manifestement pas par une rupture d’une alliance qui a pourtant envoyé l’agriculture française dans le mur. Au contraire, Gabriel Attal a embrassé, plus que la FNSEA ne l’espérait elle-même, l’essentiel de ses revendications. Même si quelques flammèches de mobilisation sont réapparues ici ou là, à quelques jours du Salon, c’était tactiquement la meilleure façon pour le gouvernement de ne pas laisser le mouvement de grogne des agriculteurs aux mains d’une base plus radicale ou téléguidée par la Coordination rurale. Stratégiquement en revanche, cette confirmation que la cogestion avec la FNSEA a de beaux jours devant elle relève d’un aveuglement coupable. Elle entérine que l’agriculture restera bien «au-dessus» des enjeux environnementaux.
Mais ce n’est pas tout. La FNSEA pourra continuer, dans toutes les réunions organisées localement, de faire avec ses amis des chambres d’agriculture la pluie et le beau temps. Et tant pis pour l’autorité des préfets si souvent obligés d’en rabattre face aux exigences syndicales, même quand elles sont hors des clous. Et nous ne parlons pas là des violences, menaces, dégradations cautionnées, voire revendiquées, par le syndicat ou ses troupes, que les pouvoirs publics se gardent bien de qualifier d’agroterrorisme. Cette alliance ancestrale entre le pouvoir politique et la principale organisation syndicale agricole n’aura pourtant eu qu’une vertu : pousser à l’extrême le modèle ultralibéral productiviste mis sur les rails dans les années 60. S’il a bien sûr permis d’atteindre l’autosuffisance alimentaire assez vite, c’est peu dire que la machine s’est emballée, et que le modèle est aujourd’hui dans une impasse. Il bute sur l’impératif écologique, mais pas seulement. Economiquement, socialement, et même existentiellement (trop d’agriculteurs se suicident), l’agriculture française est à bout de souffle. Le couple pouvoir politique-pouvoir syndical qui continue de promouvoir ce modèle est irresponsable.