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Libération
L'édito de Paul Quinio

Le 49.3, conséquence logique et fatale du jeu de Barnier avec l’extrême droite

En mettant Marine Le Pen au premier rang de ses interlocuteurs, le Premier ministre s’est placé sous sa coupe. Cette faute politique l’a conduit dans une impasse.
Michel Barnier lundi à la tribune de l'Assemblée nationale. (Denis Allard/Libération)
publié le 2 décembre 2024 à 20h44

Rien n’y aura fait. Jusqu’au dernier moment, Michel Barnier, en annonçant qu’il renonçait pour 2025 au déremboursement de certains médicaments, a tenté d’amadouer Marine Le Pen. C’était une des «lignes rouges» fixée par le RN. Sitôt ce recul du Premier ministre officialisé, la chef de file de l’extrême droite a mis une autre «ligne rouge», celle de la désindexation des retraites, sur la table. Ce petit jeu aurait pu durer plus longtemps encore. Imaginons que le chef du gouvernement, plus à ça près, ait aussi dit «banco» sur les retraites : Marine Le Pen aurait sans doute sorti un nouveau lapin de son chapeau.

Comment être surpris que ce scénario s’achève, sauf énorme surprise mercredi, par une censure ? Dès sa nomination, il était arithmétiquement évident que l’extrême droite avait le pouvoir de dire stop à l’expérience Barnier. La question était de savoir quand. Mais la faute du Premier ministre aura été de conforter politiquement ce rapport de force favorable à l’extrême droite. Il a depuis le début placé, parmi tous ses interlocuteurs, le Rassemblement national sur la première marche. Emmanuel Macron avait ouvert la voie en jouant avec un parallélisme fallacieux entre l’extrême droite et l’extrême gauche. Après trois mois de gouvernement Barnier, on a franchi un cap : c’est la gauche tout entière qui a été ostracisée pendant la discussion budgétaire, alors que Marine Le Pen avait droit à tous les égards ou presque. La gauche dite de gouvernement, en ne se démarquant pas de la stratégie de La France insoumise, a bien sûr donné des bâtons pour se faire battre. Mais tout de même… Ce choix stratégique de Michel Barnier de se tourner vers le RN est non seulement un déshonneur moral, mais une erreur stratégique. On ne lutte pas contre l’extrême droite en lui passant la brosse à reluire. La droite républicaine s’est rétrécie en suivant grosso modo depuis des années cette stratégie. Michel Barnier a tout de même cherché à s’acheter le droit de survivre à Matignon en cédant au chantage du RN. En réalité, il se rétrécissait au fur et à mesure.