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Libération
L'édito de Dov Alfon

Le clan Delon, une fascination

A 88 ans, la «dernière star», comme le qualifiait Jean-Pierre Melville, fascine toujours. Tout autant que les déchirements qui traversent son clan.
Alain Delon lors de la 72e édition du festival de Cannes, le 19 mai 2019. (Vamery Hache/AFP)
publié le 19 janvier 2024 à 21h03

Alain Delon est la dernière grande star du cinéma, disait de lui le réalisateur Jean-Pierre Melville, en ajoutant immédiatement (dans son livre d’entretiens avec Rui Nogueira) : «Il est la dernière star que je connaisse, cela va de soi pour la France mais je me réfère au monde entier. Et comme les grandes stars des années 30, il a sacrifié à cette obligation, celle d’entretenir de grands scandales.» Plus de soixante ans ont passé depuis le Samouraï, mais même à 88 ans, Alain Delon est toujours notre dernière star. Que peuvent-ils y comprendre, les people d’aujourd’hui, à la renommée volatile gonflée sur un très petit écran, vorace de transparence, d’illusion de proximité, de parentalité affirmée, d’éthique exemplaire et de disponibilité permanente, tout ce qu’Alain Delon a toujours repoussé ? Même l’obligation d’entretenir des scandales est toujours là aussi, bon gré mal gré, sans son accord ou au contraire de sa propre manigance, pas mécontent de lui au fond de ses déchirements publics entre la fille chérie, le fils maudit, le benjamin sacrifié et la dame de compagnie.

Les sociologues ont longuement cru que notre fascination pour les célébrités nous rassurait, en nous prouvant que nos échecs personnels n’étaient que de pâles reflets des calamités qui accablaient des gens bien plus beaux et bien plus riches. Mais peut-on vraiment être rassuré face à la violence de cet affrontement familial ? «J’ai tiré un coup de semonce», nous dit Anthony Delon, assumant d’avoir tiré le premier. C’est Melville qui en avait déjà prédit l’issue : «Peu importent les soubresauts, un personnage comme le Samouraï ne perd jamais, pas lui, pas vraiment.»