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Libération
Panthéonisation

Le symbole Joséphine Baker

Personnalité multiple, l’artiste qui sut se jouer des clichés racistes est un parfait condensé des idéaux républicains, idéal en ces temps de débats nauséabonds.
De janvier 1943 à mai 1944, Joséphine Baker reprend son activité artistique au service des armées françaises : spectacles, concerts et levées de fonds, tout en continuant son activité de renseignement pour l’état-major du général de Gaulle.
publié le 26 novembre 2021 à 21h13

Quand elle avait 16 ans, cherchant vainement un rôle dans les théâtres de Broadway, elle se poudrait copieusement la peau en blanc pour améliorer ses chances. Moins de cinq ans après, le directeur du théâtre des Champs Elysées s’écriait «Pas assez nègre !» en la découvrant. C’est en se jouant des clichés racistes de son époque que Joséphine Baker allait devenir une des premières superstars internationales de la modernité, dansant sur une ligne de crête entre Afrique et Amérique, entre comédie et érotisme, entre célébrité et actions secrètes, puis entre engagement politique et identités multiples. Le jour anniversaire de sa naturalisation française, presque cinquante ans après sa mort, elle entrera mardi au Panthéon, le temple républicain élevé «aux grands hommes» par la patrie reconnaissante. Elle y sera la première noire, l’une des seules personnes nées à l’étranger et l’une des six femmes y côtoyant les 75 autres «grands hommes». Résistante n’ayant jamais confondu De Gaulle avec Pétain, bisexuelle ayant affolé aussi bien Colette et Frida Kahlo que Simenon et Le Corbusier, féministe et antiraciste, Joséphine Baker a ajouté cette année encore un admirateur à son tableau de chasse, et pas des moindres. Reprenant une idée de l’intellectuel Régis Debray, une pétition «Osez Joséphine» lancée à l’initiative de l’essayiste Laurent Kupferman a attiré l’attention du président de la République. On le comprend, ces deux adeptes du «en même temps» étaient faits pour s’entendre. Et c’est tant mieux, alors que le débat politique s’enfonce de jour en jour dans une hypocrisie populiste et mensongère qu’il faut combattre par tous les moyens, et certainement par les symboles. La cérémonie terminée, il faudra alors s’attaquer aux discriminations qui minent encore et toujours la société française, avec le courage qui fait cruellement défaut à notre époque, mais qui n’a jamais manqué à l’artiste que la République honorera en son temple.