Après la pandémie, rien ne sera comme avant la pandémie. Cet avertissement, maintes fois répété et souvent décrié pendant la crise, va rencontrer son premier choc avec la réalité ce mercredi, quand des millions de salariés vont retrouver leur bureau à l’occasion de la fin du protocole sanitaire national de télétravail. Fini le travail à distance à 100 %, avec les visios que l’on pouvait commodément couper, les rapports que l’on lisait sur le sofa, les journées de travail en shorts, les séries Netflix que l’on pouvait suivre en attendant un mail, les déambulations dans les rues, les parcs et les cafés à côté de chez soi. Fini mais pas vraiment, puisque les employeurs sont appelés à fixer, dans le cadre du dialogue social de proximité, «un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, pour les activités qui le permettent». Quelles sont-elles ? L’Insee sait déjà nous dire qu’elles concernent 58 % des cadres et professions intermédiaires, mais seulement 20 % des employés et 2 % des ouvriers. Cette nouvelle fracture sociale, déjà documentée, va en être le socle d’autres, moins visibles et plus pernicieuses : les droits des femmes pourraient être affectés, l’égalité des chances pourrait être contournée, et l’organisation sociale telle que nous la connaissons pourrait perdre beaucoup de sa force. Pour des métiers basés sur une dynamique de créativité, comme la haute technologie, la musique, l’ingénierie agroalimentaire ou même certains journaux que nous connaissons, une équipe parsemée à distance est un cauchemar. «Notre créativité vient de rencontres spontanées, de discussions inattendues», expliquait Steve Jobs à ses visiteurs sur le campus d’Apple. Qu’en sera-t-il maintenant ? Le télétravail présente assurément des avantages à certains types d’employés, et certainement une piste de sauvetage pour les salariés handicapés, par exemple. Mais il comporte des dangers que nous sommes loin encore de comprendre tout à fait, cette évidence mise à part : rien ne sera comme avant.
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