Y aura-t-il des écolos français dans les travées du prochain Parlement européen ? Poser la question est en soi lunaire si l’on se souvient du succès enregistré par Yannick Jadot il y a cinq ans, arrivé avec 13 % en tête des listes de gauche. La menace est pourtant réelle de voir Marie Toussaint ne pas dépasser le seuil fatidique des 5 %. A quinze jours du scrutin, certains leaders écologistes tentent de se rassurer en misant sur la fin de la campagne, rappelant que personne n’avait vraiment vu venir la vague verte lors du dernier scrutin. D’autres se dédouanent en accusant les sondages de biaiser cette campagne. Les derniers se consolent en constatant que ces vents contraires soufflent dans la plupart des pays européens. Ce qui est vrai. Tous se grattent la tête pour résoudre ce paradoxe qui voit l’écologie politique reculer alors que le péril climatique se précise. Pour expliquer la déconvenue qui s’annonce, il faut bien sûr aller chercher des explications du côté de la culture politique dominante chez les Verts, plus avant-gardiste et contestataire que majoritaire.
Accabler Marie Toussaint serait injuste et trop facile : la candidate écolo connaît ses dossiers, même si ce casting se discute. Blâmer la conjoncture économique semble aussi un peu court, même si elle a pesé dans le fait que les soucis pour la «fin du mois» ont supplanté dans la tête de beaucoup de Français l’angoisse de la «fin du monde». La vraie raison est à chercher du côté de la poussée, en France, en Europe, dans bon nombre de démocraties libérales à travers le globe, de l’extrême droite et des idées réactionnaires. La transition écologiste est forcément complexe, suscite des résistances difficiles à contourner – les écolos n’ayant pas toujours été les meilleurs ambassadeurs de ces changements. Le succès du populisme réac rime, lui, avec simplisme. Face à cette vague d’extrême droite qui s’annonce, et qui en France ouvrira dès le 10 juin la question de la prochaine présidentielle et donc d’un possible succès du RN, la réponse des écolos ne pourra être de faire le dos rond en attendant des jours meilleurs. Il sera peut-être l’heure de renverser la table et de réfléchir à la création, avec une partie du reste de la gauche, d’un vrai pôle social-écolo de gouvernement.