On ne connaît pas beaucoup de professions qui, à l’image des enseignants, ont été à ce point ballottées de réformes en réformes sur les dernières décennies, et ne parlons pas des dernières années. Chaque nouveau ministre de l’Education nationale souhaitant imprimer sa marque, voire son nom, pour le meilleur ou pour le pire (à l’exemple de la réforme Blanquer du baccalauréat qu’il a fallu détricoter fissa quand on s’est rendu compte qu’elle était impraticable), les virements et revirements sur l’aile sont légion alors que les problèmes de fond ne sont toujours pas résolus : sous-effectifs et manque de considération.
Quand on sait que l’éducation nationale a vu défiler trois ministres en moins d’un an, la deuxième (Amélie Oudéa-Castéra, pour celles et ceux qui l’auraient oubliée) s’acharnant avec constance à achever de ruiner la crédibilité de la fonction, on comprend les multiples raisons qui poussent ces jours-ci les collèges à se mobiliser contre la dernière réforme en date, les «groupes de niveau»… non, pardon, les «groupes», puisque le ministère de l’Education nationale a fini par comprendre que le mot «niveau» avait un côté péjoratif et qu’il valait mieux l’éviter.
Imaginés par Gabriel Attal lors de son éphémère passage rue de Grenelle, ces groupes sont censés séparer les «mauvais» des «moyens» et des «bons» élèves en mathématiques et en français alors que les mérites du brassage ne sont plus à démontrer, les bons étant supposés tirer vers le haut les moins bons. L’idée a d’ailleurs semblé douteuse à la nouvelle ministre de l’Education elle-même, Nicole Belloubet, qui a tenté en vain de passer le projet à la trappe lorsqu’elle a succédé à Attal. La plupart des spécialistes s’accordent pour reconnaître que, si groupes il doit y avoir, alors il faut des enseignants supplémentaires afin d’éviter que certains soient surchargés. Sauf que… ce n’est pas vraiment ce qui est prévu au programme.