Quelques heures avant son exécution, Missak Manouchian écrivait à sa femme, Mélinée : «Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement.» Cela aura pris quatre-vingts ans, mais l’hommage solennel de la nation à Missak Manouchian et à ses 21 camarades de Résistance aura lieu demain à 18 h 30, avec l’entrée au Panthéon du «résistant d’origine arménienne», selon les termes officiels. Emmanuel Macron a ainsi accédé à la demande formulée par un appel collectif publié dans Libération le 13 janvier 2022, vite soutenu par nombre d’associations et historiens. Il peut sembler que la décision du Président ne saurait être trop saluée tellement elle coule de source et ne demande aucun courage politique.
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C’est méconnaître le déni qui a toujours entouré le travail mémoriel pourtant essentiel sur l’occupation nazie, du refus de diffuser le Chagrin et la Pitié (1969), coupable de démonter l’invention gaulliste d’une France toute Résistante hormis quelques traîtres, jusqu’à la fin de non-recevoir opposée par François Hollande aux premières demandes de panthéoniser les résistants communistes du «groupe Manouchian», en 2014. Alors oui, nos journalistes rappellent que même cet hommage tardif ne fait pas l’unanimité. Il y a ceux qui dénoncent l’accent mis sur l’origine arménienne de Manouchian, alors que les 22 étaient essentiellement juifs, et polonais, et espagnols, et italiens, et surtout communistes ; et ceux qui dénoncent une romantisation du couple formé par Missak et Mélinée. Mais pouvait-il en être autrement ? Louis Aragon s’était bien servi de la dernière lettre écrite par Missak Manouchian à sa femme, le 21 février 1944, depuis la prison de Fresnes, deux heures avant d’être fusillé au Mont Valérien, Léo Ferré l’avait mise en musique, des générations l’avaient récitée avec ferveur. On n’allait pas laisser Mélinée dehors ; Missak l’avait bien compris, en espérant qu’on les honorerait «dignement». Un peu tard, mais c’est maintenant chose faite.