Elles ont, au moins, 115 millions d’années. On a découvert des punaises de lit dans des tombes égyptiennes closes depuis 3 500 ans. On en trouve des traces en Grèce dès 400 avant notre ère et dans les écrits d’Aristote. Les morsures de ces parasites ont marqué l’histoire et même le champ culturel avec, par exemple, un Georges Méliès en robe de chambre bataillant lui-même contre de redoutables hétéroptères dans l’un de ses premiers courts-métrages en 1896. Dans les Caves du Vatican (1914), André Gide leur livre en pâture le malheureux Amédée Fleurissoire, contraint à l’insomnie durant son voyage tant les démangeaisons sont vives et la traque des «minuscules pastilles noirâtres» un calvaire.
En 2023, nouvelle étape pour les punaises de l’Hexagone : elles envahissent les réseaux sociaux. Depuis cet été, les internautes documentent à tort et à travers l’infestation des cinémas, TGV, métros et RER. La moindre bestiole est filmée et affichée comme pièce à conviction. Tant pis s’il s’agit d’une blatte ou d’une simple miette de croissant : à un an des Jeux olympiques, les punaises font les gros titres de la presse internationale. La mairie de Paris exhorte l’Etat à s’emparer de ce problème de santé publique et à proposer un plan d’action «à la hauteur de ce fléau». Le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, a réagi vendredi et compte réunir les opérateurs de transports cette semaine pour coordonner une contre-offensive.
Analyse
Vous avez dit «psychose» ? Attention ! Devenues plus résistantes aux pesticides et dopées par l’essor du tourisme mondial, les punaises sont réellement dans nos lits. Entre 2017 et 2022, plus d’un foyer sur dix a été infesté, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire publié en juillet. Et les traumatismes qu’elles laissent chez leurs victimes (privées de sommeil, de leur santé mentale et délestées d’importantes sommes d’argent pour s’en débarrasser) sont durables. L’effet loupe des réseaux sociaux aura permis de mettre le sujet sur la table. De la prise en charge par les assurances aux aides pour les foyers les plus modestes en passant par la désinfection des lieux publics : on s’y met ? Car là, ça fait un moment que ça nous démange.