Menu
Libération

Lutter contre les nouveaux proxénètes

S’adaptant aux nouveaux interdits et aux nouvelles technologies, les trafiquants d’êtres humains prospèrent. Il faut les combattre.
(Hugues Micol/Libération)
publié le 11 mai 2021 à 21h05

Est-ce vraiment le plus vieux métier du monde ? Cette appellation, popularisée par Rudyard Kipling, laisse entendre qu’il serait vain de lutter contre la prostitution puisqu’elle résiste depuis la nuit des temps à toutes les tentatives de la canaliser, de la changer ou de l’éradiquer. Or il n’en est rien : la prostitution a toujours eu besoin d’évoluer face à de nouveaux interdits, de nouvelles lois, de nouvelles méthodes policières. Ce n’est donc pas par hasard si c’est aujourd’hui, après un effort législatif conséquent contre la prostitution de rue et face à une pandémie qui complique le trafic d’êtres humains vers l’Europe, que la vente de faveurs sexuelles change complètement de modèle économique, de méthodes de racolage et de victimes. Comme nos journalistes ont pu le constater, les nouvelles prostituées sont des mineures issues de tous les milieux, appâtées non seulement par un proxénète trompeur mais aussi et surtout par l’illusion de contrôle et d’indépendance que leur donnent les plateformes numériques. Des femmes de plus en plus jeunes, quand il ne s’agit pas carrément de gamines, sont ainsi tentées d’entrer volontairement dans un engrenage qui ne pardonne pas, laissant leurs parents désemparés face à une police mal adaptée. On parle d’une augmentation de prostitution par des mineures de plus de 600% en moins d’une décennie, un bond rendu possible grâce à la facilité d’usage d’applications mobiles qui peuvent gérer tous les aspects de la rencontre. De toute façon, sans victime il n’y a pas de crime possible, et les nouveaux réseaux de la prostitution utilisent à merveille ce flou juridique. L’effort doit donc se concentrer sur les nouveaux proxénètes, qui prennent selon notre enquête 60% du gain de ces mineures poussées vers une nouvelle forme d’esclavage. Car le plus vieux métier du monde, depuis le Paléolithique, est en réalité celui de prédateur.