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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Macron et Matignon, une comédie qui a trop duré

Le président de la République va recevoir les dirigeants politiques en son palais de l’Elysée, feignant d’ignorer que plus personne n’est dupe de cette mise en scène destinée à le maintenir au centre du jeu.
Emmanuel Macron, le 24 juillet 2024 à Paris. (Denis Allard/Libération)
publié le 22 août 2024 à 19h27

Les trois coups vont bientôt retentir et la pièce de théâtre va pouvoir commencer. Tous les acteurs, toutes les actrices connaissent leur texte sur le bout des doigts, ils ont eu l’été pour répéter et même devancer les éventuels trous de mémoire. Le public est déjà là, un peu las, il connaît le spectacle par cœur mais espère à chaque fois découvrir une variante. L’acteur principal, depuis le temps qu’il rode l’exercice, maîtrise le moindre blanc, la moindre respiration qu’il sait reproduire à l’identique, accompagnés des mêmes gestes de la main, froncement de sourcil ou coup de menton. Reconnaissons qu’il peine à surprendre et que certains, dans la salle, étouffent déjà un bâillement.

La politique est un sujet sérieux qui ne devrait pas être tourné ainsi en dérision et pourtant, voilà quarante-sept jours que la vie publique est suspendue, le chef de l’Etat ayant choisi de calquer le calendrier politique sur le calendrier scolaire, prenant son temps, savourant des Jeux olympiques qu’il attendait avec angoisse et impatience, snobant les partis de gauche arrivés collectivement en tête à l’issue de législatives qu’il a lui-même provoquées, et préférant faire de (pas très) discrets appels du pied à une droite qui lui semble bien plus raisonnable.

Pour l’Elysée, ce temps de latence est un «travail de décantation». Le rêve absolu d’Emmanuel Macron serait de faire exploser cette entente très agaçante des partis de gauche, qu’il n’avait pas prévue, et de revenir à ce qui faisait son ADN il y a sept ans, un gouvernement et de droite et de gauche, on ne change pas une stratégie qui perd. Ou plutôt et de droite et du centre, ce serait l’idéal. Autant dire que ces consultations de l’Elysée sont de pure forme, uniquement destinées à occuper la salle en attendant que le rideau se lève sur l’invité(e) surprise, celle ou celui qui occupera Matignon, dont Emmanuel Macron seul connaît déjà certainement le profil, si ce n’est l’identité. Après toutes ces années, et même si son étoile pâlit, l’acteur principal aime toujours autant montrer que la pièce ne pourrait se jouer sans lui.