On ne sait trop ce qui rendait ce sketch si illogique, si irréel, si éhonté, à mi-chemin entre un épisode refusé de The Office et une adaptation inattendue de Lewis Caroll au festival off d’Avignon. Le président de la République française et le Premier ministre britannique signaient ce jeudi 10 juillet à Londres un accord sur de nouvelles restrictions impitoyables aux traversées de migrants par la Manche, mais nous affirmaient qu’il n’en était rien. Emmanuel Macron s’empressait ainsi de rappeler que cet accord devait encore passer la barre judiciaire des tribunaux français et européens, tandis que Keir Starmer rappelait que même si «tout le monde [allait] parler de l’accord migratoire», qu’il a qualifié trois fois de «pilote» comme si ce statut transitoire lui retirait son aspect sordide, «l’accord important du jour est tout de même la coopération de défense nucléaire entre les deux pays».
Reportage
Car si les deux chefs d’Etat se sont mis d’accord pour investir beaucoup d’argent dans un marché d’échange de migrants arrêtés de part et d’autre – sous le branding presque poétique s’il n’était grotesque d’«une entrée, une sortie» – ce n’est pas pour récompenser les Nigel Farage ou Bruno Retailleau des deux pays, mais pour pouvoir se concentrer sur le conflit avec Moscou. Mais cet accord – qualifié immédiatement par la Croix-Rouge britannique de «dangereux et inefficace» – ne peut que renforcer les populistes de tous bords, alors que les migrants ainsi ciblés nous ont raconté les conditions de vie de plus en plus dangereuses qui leur sont dictées par cette politique de répression cruelle et sans issue. Dans une interview à Libération, le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, rappelle que la majorité des migrants réussissant cette traversée dangereuse se verront accorder l’asile politique au Royaume-Uni puisqu’ils y ont droit ; le problème est le nombre effrayant de ces innocents qui en meurent noyés, et pas par la faute de Poutine.