Des juges sous protection policière, des magistrats intimidés par mail et sur les réseaux sociaux, des procureurs découvrant des lettres de menaces sur leurs pare-brise… Est-on en Amérique latine, en Italie dans les années 1970, au Texas sous Donald Trump ? Non, nous sommes en France aujourd’hui, alors que les gangs criminels du narcotrafic et les responsables politiques soupçonnés de malversations s’accordent à trouver la justice trop indépendante. Oubliée, la justice «trop laxiste», le parquet «woke», le système «naïf». Après le jugement de Marine Le Pen, le Premier ministre François Bayrou se disait «troublé par l’énoncé du jugement». Il n’a malheureusement pas été le seul à imiter ainsi les éléments de langage des élus d’extrême droite. Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a ainsi estimé que «la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple», tandis que Gérald Darmanin, pas encore nommé garde des Sceaux, avait condamné le réquisitoire en ruminant qu’«il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible». A ces discours de défiance se greffent la montée en puissance des trafiquants de drogue et la normalisation de la violence dans l’espace public.
Résultat : plus de cent cinquante magistrats sont d’une manière ou d’une autre menacés dans leur quotidien. Ce climat d’insécurité permanente est tout simplement inacceptable, car il ne peut y avoir de démocratie sans une justice indépendante et il ne peut y avoir de confiance en la justice rendue sans une démocratie respectant l’état de droit. La fragilisation de nos institutions judiciaires rend un immense service aux criminels de tout poil et aux populistes en tout genre, alors que les Français souhaitent au contraire un renforcement des services publics pour que justice puisse être rendue équitablement. La fameuse «tolérance zéro» promise par nombre de gouvernants, dont Gérald Darmanin, doit commencer par là.