Libération continue de révéler les rouages de ce qui apparaît aux yeux de la justice française comme un possible détournement des recettes du pétrole congolais, des centaines de millions d’euros qui n’ont pas été versés au trésor public de Brazzaville. Au centre de ce circuit soupçonné, un intermédiaire sulfureux et bon vivant, Lucien Ebata, patron d’une compagnie pétrolière mystérieuse appelée Orion Oil et proche du président Denis Sassou-Nguesso. Nous avons déjà dévoilé les méthodes qui auraient permis de créer un financement occulte ahurissant des proches du président congolais, passant souvent par des versements en espèces par valises entières, autour des boutiques et hôtels de luxe du triangle d’or parisien. Nous continuons notre enquête en publiant les résultats des écoutes judiciaires réalisées sur les lignes téléphoniques bien bavardes de cet extraordinaire noyau de pouvoir, argent et influence, entre Paris et Brazzaville. Car était-il possible qu’une telle cavalcade de cadeaux congolais, payés en cash, se déploie dans Paris sans que des personnalités économiques et politiques françaises n’y soient mêlées ?
Premier invité surprise de ce dossier, le Premier ministre français en exercice au moment des écoutes, Manuel Valls. Tandis qu’il se préparait à ce qu’il pensait être un combat politique déterminant, la primaire du Parti socialiste qui se joua entre lui et Benoît Hamon, il surgit opportunément dans les conversations enregistrées de Lucien Ebata : «Il est jeune. Même s’il perdait, il y aurait une relation amicale entre nous deux, ce serait un nouvel ami pour moi», envisage le patron de Orion Oil. Et voilà l’ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, dont les bons conseils ont été rémunérés par un paiement de 800 000 euros, ou le über-conseiller politique Stéphane Fouks, de Havas. Ebata, toujours débonnaire au sujet de Valls, ne manque tout de même pas de réalisme : «Avec ce genre de personnalité, le risque que le fait soit un jour révélé est certain mais qui ne risque rien n’a rien», dit-il à son épouse. Voilà qui est fait.