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Libération
L'édito de Paul Quinio

Marine Le Pen, les Horaces et les dessous de la dédiabolisation

Si le cabinet noir de la patronne de l’extrême droite française a peut-être contribué à édulcorer sur certains sujets les outrances ou inepties du programme du RN, ces experts et autres grosses têtes ne sont qu’un vernis de respectabilité.
Après la première accession de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, les Horaces ont continué de travailler, d’agrandir leur cercle et surtout de recruter davantage de polytechniciens, d’énarques, de conseillers d’Etat de plus en plus charpentés. (Montage Libération/Denis Allard et Getty images)
publié le 26 février 2024 à 20h43

C’est une sorte de cabinet d’experts, de hauts fonctionnaires, de visiteurs pas forcément du soir mais qui tiennent pour la plupart à rester discrets. C’est un groupe d’hommes et de femmes – en fait quasi exclusivement des hommes – baptisé Horaces, qui mettent leur intelligence et leur expertise au service de Marine Le Pen. Il a été créé en 2015, avant sa première accession au second tour de la présidentielle. On pourrait se rassurer en constatant le peu d’influence que ces têtes bien pleines ont eu en 2017, quand la candidate d’extrême droite avait étalé son incompétence lors du débat de l’entre-deux-tours face à Emmanuel Macron. Ou en se rappelant que, cinq ans plus tard, encore face à Emmanuel Macron, Marine Le Pen n’était toujours pas apparue au niveau. Sauf que les Horaces, comme le démontre notre enquête, ont continué de travailler, d’agrandir leur cercle et surtout de recruter davantage de polytechniciens, d’énarques, de conseillers d’Etat de plus en plus charpentés.

La montée en puissance de ce cabinet de l’ombre est en tout cas une pièce centrale dans la stratégie de dédiabolisation de l’extrême droite. Il était longtemps tabou de travailler pour elle quand on sortait de ces écoles prestigieuses ou qu’on appartenait à ces grands corps d’Etat. Aujourd’hui, on se cache à peine, en tout cas de moins en moins. Cette évolution est d’autant plus inquiétante qu’une autre professionnalisation du RN est à l’œuvre depuis l’entrée de 88 députés à l’Assemblée nationale. A moyen terme, l’existence de 200 à 300 collaborateurs parlementaires, vivier potentiel de futurs élus, produira nécessairement des effets sur le niveau de compétence. Mais il ne faut pas s’y tromper : si les Horaces ont peut-être contribué à édulcorer sur certains sujets les outrances ou inepties du programme du RN, ces experts et autres grosses têtes ne sont qu’un vernis de respectabilité. Il suffit de le gratter un peu : le vrai fond dangereux et xénophobe du RN, lui, n’a pas évolué.