Il y a, déjà, le choix de ce nom, qui renvoie à une marque d’insecticide particulièrement létal. Selon le Larousse, un raid est défini, depuis la Seconde Guerre mondiale, comme une «incursion rapide exécutée en territoire inconnu ou ennemi pour recueillir des renseignements, capturer des prisonniers ou du matériel, bombarder un objectif, etc.» Le territoire en question est Marseille, été 2023, et le Raid est là, envoyé en renfort par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Officiellement, c’est l’acronyme de «Recherche, assistance, intervention, dissuasion». D’après l’enquête glaçante que nous publions ce mercredi, les mots qui reviennent sont plutôt «rage, anonymat, invérifiable, déni». Car une totale opacité a entouré les interventions brutales de cette unité policière pendant les journées de violences qui ont abouti à la mort de Mohamed Bendriss et à de nombreux blessés.
Jamais ces agents n’avaient été chargés de telles opérations dans l’Hexagone : leurs unités sont normalement destinées à la traque des criminels armés et des terroristes. Résultat, leurs communications radio ne sont pas enregistrées, leurs voitures ne sont pas géolocalisées, leurs noms ne figurent pas dans les procédures judiciaires, aucun d’eux ne porte de numéro d’identification ni de caméra sur son uniforme, et ils ont tous le visage masqué.
Les violences ont pourtant pu être documentées par Libération, par la synchronisation des caméras de surveillance et des vidéos tournées par des riverains. Ce schéma d’intervention incontrôlée mène à des brutalités injustifiées contre des personnes ne représentant aucune menace, encore et encore. Loin de faire régner la loi, le Raid a l’air de calquer ses méthodes sur la conduite supposée des émeutiers qu’elle cherche à contenir. Si le maintien de l’ordre est toujours le point faible de la police française, le Raid franchit un palier de non-droit en uniforme qui fait honte à notre démocratie.