Le 27 juillet 2016, le Conseil des ministres du Bénin demandait officiellement à Paris le retour des objets précieux royaux «emportés par l’armée française lors de la conquête de novembre 1892». Moins d’un an après, le 22 mars 2017, la France y opposait une fin de non-recevoir : «Les biens que vous évoquez ont été intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public mobilier de l’Etat français», s’offusquait le Quai d’Orsay, et donc, «leur restitution n’est pas possible».
Et pourtant ! Dahomey, le nouveau film de la cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop, retrace la lente restitution des 26 œuvres béninoises dérobées par la France, depuis leur départ du musée du Quai-Branly à Paris, en novembre 2021, jusqu’à leur accueil en grande pompe dans le palais présidentiel de Cotonou. Documentaire flirtant ouvertement avec la fiction, le film peut se voir comme un rêve envoûtant, tant les chances d’un heureux retour paraissaient minces. Peut-on être confiant que les œuvres seront en sécurité dans leurs pays d’origine ? On craint toujours les précédents. Si on rend ceux-là, pourquoi pas les milliers d’œuvres d’art pillées par la France à la même époque ? Et pourquoi limiter les restitutions à l’époque coloniale ? Le Triomphe de Judas Macchabée de Rubens, arraché à la cathédrale de Tournai par les troupes françaises en 1794, ne devrait-il pas être rendu à la Belgique ? Et la Joconde à l’Italie, tant qu’on y est ?
Interview
Malgré les multiples oppositions, essayant de démontrer leur bien-fondé par l’absurde mais tombant souvent elles-mêmes dans une rhétorique ridicule, nous y sommes enfin, et Mati Diop a raison de laisser les statues royales exulter sous ses caméras dans leur nouveau palais. Joie sans doute passagère : un nouveau volet dans la saga des restitutions historiques paraît bien lointain, comme dans un rêve.