Historique. Ce mot est facilement dévoyé, comme le soulignait il y a peu un historien dans Libération, mais s’il y a un événement pour lequel il s’impose, c’est bien le procès Mazan. Historique, parce que l’on n’avait jamais vu dans le même box 51 hommes accusés du viol d’une même femme. Historique, parce que ce procès a priori très franco-français aura eu un retentissement mondial par son effet de sidération. Historique, parce qu’il y aura clairement un avant et un après. En quelques mois seulement, ce procès aura bouleversé tous les codes, brisé toutes les idées reçues, et ouvert les yeux de nombre d’hommes et de femmes qui, jusqu’alors, haussaient les épaules quand on évoquait les cas de viol conjugal ou considéraient les histoires de soumission chimique comme de simples conséquences sordides de soirées arrosées en boîtes de nuit.
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Avec l’affaire Dominique Pelicot, du nom de ce mari qui a offert sa femme préalablement sédatée à des hommes «ordinaires», de ceux que l’on croise chaque jour dans sa cage d’escalier, au marché ou sur son lieu de travail, beaucoup ont enfin compris que le viol n’était pas affaire de classe sociale, de génération ou de couleur de peau. Historique aussi, parce que Gisèle. Oui, on a envie de l’appeler par son prénom tant cette femme qui aura traversé le procès de ses violeurs la tête haute nous est devenue familière. Nous n’avons plus guère de mots pour évoquer son incroyable dignité face aux regards parfois voyeurs qui cherchaient à lire sur son visage la trace des violences subies. Son incroyable volonté quand elle a exigé que les vidéos de ses viols soient visionnées par le public afin de lever le moindre doute sur l’état dans lequel elle se trouvait quand ses violeurs ont agi. Son incroyable force quand, à un moment où les avocats des accusés ont tenté une inversion de la culpabilité, elle s’est levée, envoyant sa souffrance à la face du public et des magistrats. Oui, cette femme restera dans l’histoire. Non comme une victime. Mais comme une guerrière dont les seules armes sont les mots et la détermination.