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Libération
Edito

Médecins sans frontières, au secours de ceux qui en ont besoin

A l’heure où les murs se multiplient sur la planète, Médecins sans frontières milite sans relâche pour tout ce que les réactionnaires vomissent : l’inclusion universelle et la solidarité.
Au Soudan, près de la frontière éthiopienne, en 1998. (A. Abbas/©A. Abbas / Magnum Photos)
publié le 9 juin 2021 à 20h55

Pourquoi célébrer l’anniversaire d’une organisation humanitaire ? La question peut se poser à l’heure où le climat politique se dégrade, où les égoïsmes nationaux s’exacerbent, où les crises internationales couvent, où la planète continue à vivre dans la peur d’une pandémie qui semble sans fin. Eh bien justement, MSF est au carrefour de ces préoccupations. Première ONG médicale à avoir vu le jour il y a cinquante ans, elle est devenue la plus importante en taille, admirée et jalousée à travers le monde, s’imposant avec plus ou moins de bonheur – ou de malheur – sur les terrains en guerre ou rongés par la misère, ce qui souvent va de pair. Après la folle époque des années 80 et 90 qui a vu fleurir et croître sur son modèle nombre d’associations humanitaires, les années 2000 ont semblé marquer un tournant. Les critiques ont commencé à pleuvoir et elles n’étaient pas toutes infondées : ces organisations de médecins occidentaux décidés à faire le bien dans les pays pauvres ne rappelaient-elles pas les heures sombres des missionnaires voire des colonisateurs ? En prenant de l’importance, ces ONG ne couraient-elles pas le risque de devenir des institutions avec leur lourdeur administrative, leur proximité trop grande avec les pouvoirs en place et donc leurs compromissions nécessaires ? En vivant de l’aide humanitaire et des dons, n’entretenaient-elles pas le malheur pour leur propre survie, voire leur confort ?

Toutes ces questions se sont posées et se posent encore, il suffit de lire l’interview que nous a accordée Rony Brauman, figure emblématique de MSF qu’il a dirigée de 1982 à 1994. «Nous ne savons pas toujours si nous faisons bien ou mal», nous a-t-il avoué. Mais au moins l’ONG vole au secours de ceux qui en ont besoin, des Rohingyas aux Brésiliens en passant par les peuples d’Afrique soignés sans relâche contre Ebola, le sida ou le paludisme. Ce qui est certain, et ce qu’il faut saluer, c’est qu’à l’heure où les murs se multiplient sur la planète, où les frontières se recréent ou se renforcent, où les peuples semblent tentés de conjurer leurs peurs par un nationalisme à outrance, MSF revendique haut et fort son «sans-frontiérisme», militant obstinément pour tout ce que les réactionnaires vomissent : l’inclusion universelle, la solidarité sanitaire, le partage et, surtout, l’attention à l’«autre».