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Libération
Editorial

Merkel et la formule de la longévité

Pour qu’un chancelier ou une chancelière égale la longévité d’Angela Merkel, sa gouvernance devra évoluer pour correspondre aux attentes de notre époque.
Angela Merkel en 2018. (Michael Kappeler/dpa)
publié le 20 septembre 2021 à 21h27

Les Allemands aiment accorder à leurs élus une longévité de pouvoir qui est passée de mode dans le reste du monde démocratique. Konrad Adenauer a dirigé l’Allemagne de l’Ouest pendant quatorze ans, Helmut Kohl seize ans. Mais bien peu pensaient le 22 novembre 2005 que cette chancelière fraîchement élue, Angela Dorothea Merkel, pourrait un jour égaler ces records de stabilité, et encore moins qu’elle pourrait battre tous les records de popularité politique. Les journaux allemands pariaient sur un naufrage rapide de sa coalition parlementaire, tandis qu’à Libé le service édition ne trouvait dans les dictionnaires que la définition de la chancelière comme «épouse du chancelier». Quinze ans plus tard, Merkel fait tellement partie du paysage allemand qu’on peine à imaginer le pays sans elle, tout comme le réseau d’Autobahn ou le massif du Wetterstein ne peuvent soudain disparaître.

Und doch, et pourtant : après un scrutin fédéral dimanche et une période de transition qui pourrait être assez longue pour lui permettre de coiffer Kohl au poteau, Merkel laissera le volant de ce pays si dépendant de l’automobile à quelqu’un d’autre. On peut deviner que son successeur sera tenté de reprendre son approche de la gouvernance – éviter les changements, réagir aux crises après qu’elles éclatent, afficher une solidité à toute épreuve, ménager les grands industriels, pollueurs ou non. Mais il n’est pas certain que cette formule puisse fonctionner une fois de plus : les limites de l’exercice sont déjà évidentes. L’Allemagne n’a jamais été aussi riche et aucun grand pays industriel n’a connu un taux de croissance aussi élevé. Und doch, le pays est à la traîne sur tous les sujets importants de l’époque qui approche – le numérique, le climat, les transports publics, la transition énergétique. Si le prochain chancelier – ou la prochaine chancelière maintenant que ce mot existe bel et bien – réussit l’exploit de rattraper le retard qu’Angela Merkel a laissé croître, il pourrait bien la dépasser dans la course à la longévité.