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Libération
Edito

Metaverse : il est urgent de rentrer dans le game

La réalité a rattrapé la fiction. Et il est temps de parler sérieusement de ce qui se joue dans le cyberespace et fait tant fantasmer les géants de la Silicon Valley.
«Metaverse : We Are at the End of Something» (2020). Courtesy of Keiken. Ryan Vautier. Sakeema Crook (Courtesy of the artist)
publié le 13 août 2021 à 23h16

1992, l’auteur Neal Stephenson imagine dans son roman le Samouraï virtuel le concept de «metaverse». Un espace numérique collectif, accessible grâce à des lunettes connectées. 2011, l’écrivain Ernest Cline signe Ready Player One, un best-seller mondial dans lequel la Terre, secouée par une crise énergétique et le changement climatique, est devenue si chaotique que la population se réfugie dans l’Oasis, un jeu vidéo aussi palpitant qu’addictif et ruineux. 2020, la pandémie de Covid-19 rend le numérique incontournable dans nos vies. Qu’il s’agisse d’apprendre, de travailler, de communiquer avec nos proches, et même de prendre l’apéro ou de vivre un concert. 2021, les plus grandes entreprises du secteur de la tech investissent des milliards de dollars dans le développement du metaverse, désireuses de repousser les limites du monde physique jusqu’à ce qu’univers réel et virtuel finissent par se confondre. Mark Zuckerberg annonce mettre les bouchées doubles pour que Facebook préempte ce nouvel eldorado. 10 000 personnes travaillent désormais sur la réalité virtuelle et augmentée au sein de la firme aux 86 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Ce qui était de la pure science-fiction il y a trente ans n’a jamais été aussi proche de nous. Le metaverse est même déjà là. Avec l’ultra-populaire Fortnite (jeu de tir et de survie ayant réuni jusqu’à 15 millions de joueurs en simultané) mais aussi une myriade de jeux et d’acteurs moins connus mais tous décidés à se tailler la part du lion dans cet univers qui pourrait rapporter gros. Alors, plutôt que de lever systématiquement les yeux au ciel pour suivre Bezos, Musk et Branson dans leur conquête de l’espace, il devient urgent d’enfiler un casque de VR et de regarder ce qui se construit dans le cyberespace. La partie qui s’y joue est cruciale. Considérer qu’il s’agit simplement d’une distraction pour geeks, c’est laisser les géants de la Silicon Valley créer à leur image et dans leur intérêt le monde qui fusionnera peut-être avec le nôtre. Alors, chaque pixel du metaverse pourrait être pensé pour être rentable, monétisable. Faut-il plaider pour un monde virtuel public ? Est-il encore temps de penser collectivement cette extension de nos existences charnelles ? Il est urgent de rejoindre la partie, sinon ce sera game over.