Menu
Libération
L'édito de Paul Quinio

Michel Barnier, l’itinéraire d’un caméléon

Auparavant élu gaulliste social pro-européen puis candidat libéral et sécuritaire, le rôle du Rassemblement national dans la nomination de Michel Barnier pourrait forcer le nouveau Premier ministre à dévoiler un nouveau visage.
Le nouveau Premier ministre Michel Barnier au 20 heures de TF1, le 6 septembre. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 6 septembre 2024 à 21h47
(mis à jour le 6 septembre 2024 à 22h43)

Attention danger, «un train peut en cacher un autre», dit le panneau. Un mini-discours lors de la passation de pouvoir jeudi 5 septembre dans la cour de Matignon et une intervention hier soir au 20 heures de TF1 ne suffisent sans doute pas à tirer la sonnette d’alarme avant même que le premier wagon de mesures gouvernementales ait été mis sur les rails. Les conditions dans lesquelles les clés ont été fournies à Michel Barnier autorisent en revanche à s’interroger avec un brin d’inquiétude sur l’influence qu’aura le Rassemblement national sur la direction qui sera prise. Dit autrement : un troisième Michel Barnier dont l’avenir à Matignon dépendra du bon vouloir de Marine Le Pen va-t-il rapidement cacher les deux Michel Barnier que l’on pourrait identifier à très gros traits comme suit : 1) l’élu ou ministre gaulliste social pro-européen, charpenté par un solide sens de la nuance et du compromis ; 2) le candidat libéral, sécuritaire, très ferme sur l’immigration et capable de diluer ses convictions européennes pour séduire la droite dure lors de la primaire LR de 2021.

Bien sûr, il est normal, et parfois même heureux, de voir des positions politiques évoluer. Surtout lors d’une longue carrière comme celle de Michel Barnier. Et le péché de durcir ses positions lors d’une campagne électorale, qui plus est quand il s’agit d’une campagne interne, est un défaut partagé sur l’ensemble de l’échiquier politique. Vendredi soir sur TF1, le nouveau Premier ministre a de fait cherché à insister davantage sur son premier profil, rappelant volontiers son «humanisme», son sens des services publics, du dialogue social qui ne s’interdit pas de réfléchir à la manière d’instaurer plus de justice fiscale ou de modifier la réforme des retraites. Mais il a aussi assumé sa fermeté de candidat à la primaire LR sur les finances publiques ou l’immigration et les «frontières passoires». Il a en réalité cherché à ratisser le plus large possible. Trop large ? «Je n’ai rien de commun ou pas grand-chose de commun avec les thèses ou les idéologies du Rassemblement national.» Que cache ce «pas grand-chose» ?