Pour les dirigeants européens, ce sont de simples chiffres. Des êtres désincarnés, déshumanisés que l’on regroupe sous le terme de migrants. Et qu’il importe d’éloigner le plus loin possible du continent afin d’éviter l’«invasion» fantasmée par les populistes. Pour y parvenir, les dirigeants européens paient des pays tiers (Turquie, Tunisie…) chargés de repousser celles et ceux qui cherchent par tous les moyens à fuir la guerre, les persécutions ou la misère. Donnant-donnant. Chiffres humains contre chiffres en monnaie sonnante et trébuchante. Ni vu ni connu, je t’embrouille. Sauf que, derrière ces chiffres, se cachent de véritables tragédies humaines, des exactions dont on peine à croire qu’elles se produisent là, quasi à nos frontières, et que nous en sommes indirectement responsables.
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Après avoir recueilli à distance le témoignage d’un migrant camerounais malmené en Tunisie, après avoir vu fin juillet cette photo insoutenable d’une femme et de sa fille de 6 ans retrouvées mortes de soif dans le désert, notre reporter a voulu aller voir sur place, à la frontière entre la Tunisie et l’Algérie, là où le régime de Kaïs Saïed abandonne au soleil et à la mort des femmes, des enfants et des hommes venus d’Afrique. Ceux-là mêmes que le président tunisien a comparé à une «entreprise criminelle» décidée à «changer la composition démographique de la Tunisie», déclenchant des poussées de racisme indignes au sein de sa population. Et ce qu’elle nous raconte est glaçant. Les migrants subsahariens y sont traités plus mal que le bétail. Ne soyons pas naïfs, certains peuvent faire montre de violence, comme nous le confie Ibrahim, mais cela ne justifie en aucun cas une telle flambée de haine.
Les dirigeants européens portent une vraie responsabilité dans cette situation. Il est inouï qu’ils signent de tels accords de «sous-traitance» sans se préoccuper du cadre et des conditions dans lesquels ils sont appliqués. Il devient urgent qu’ils sortent de leur silence, et surtout qu’ils réagissent.