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Libération
L'édito de Paul Quinio

Mobilisation du 18 septembre : un sentiment d’injustice tenace

Le succès annoncé de la journée de grèves et manifestations traduit un mécontentement bien réel. S’ils veulent éviter la crise sociale, Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu ne pourront se borner à faire le dos rond.

A Marseille, le 10 septembre, lors de la journée de mobilisation autour du mot d'ordre «Bloquons tout». (Patrick Gherdoussi/Libération)
ParPaul Quinio
Directeur délégué de la rédaction
Publié le 17/09/2025 à 20h16

C’est assez rare pour être souligné, les syndicats et la police sont d’accord : avant même qu’elle se tienne, la mobilisation pour cette journée de grèves et de manifestations sera forte, voire très forte. Les organisations à l’initiative de cette journée d’actions pour dénoncer le projet de budget n’ont pas donné de chiffres, mais elles n’ont pas démenti celui donné par le ministère de l’Intérieur, qui prévoit qu’entre 600 000 et 900 000 manifestants défilent dans les rues.

Si ce niveau de mobilisation devait se confirmer, il serait comparable à celui atteint à la fin de la bagarre contre la réforme des retraites. Pas mal pour un premier rendez-vous, quinze jours seulement après la rentrée. Cela signe deux choses : que le mécontentement dans le pays est bien réel, et que ses racines remontent à cette fameuse réforme des retraites adoptée par 49.3, toujours pas digérée par de nombreux Français.

Lassitude

Bien sûr que la récente séquence budgétaire et l’incompréhension face aux choix de François Bayrou ont nourri la grogne. La lassitude aussi face à la valse des Premiers ministres. Mais les ressorts de ce succès annoncé sont plus profonds. Un sentiment d’injustice s’est cristallisé dans l’opinion. Le chef de l’Etat et son nouveau Premier ministre ne devront pas se méprendre sur le sens qu’ils donneront à cette journée. Ils se tromperaient en se disant qu’il leur suffira de faire le dos rond pendant vingt-quatre heures face à une énième manifestation de ce caractère réfractaire spécifiquement français. Dans l’histoire politique et sociale du pays, le sentiment d’injustice occupe une place à part. Il est à l’œuvre.

Le danger est d’autant plus grand pour Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu que les deux hommes sont dans un état de faiblesse politique rarement atteint. Ils ont encore les moyens d’éviter qu’une crise sociale vienne s’ajouter à une crise politique qui flirte avec la crise de régime. Il leur faut juste entendre que les Français savent que la dette n’est pas supportable, qu’ils sont prêts à faire des efforts, mais à une condition : que ceux-ci soient justement répartis.