Menu
Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Mort du pape François : perdimus papam

Pape Léon XIVdossier
Engagé sur les pauvres, les migrants et l’écologie, décevant sur les questions sociétales… Parce qu’il représentait tout ce qu’exècre l’extrême droite, le souverain pontife mort ce lundi 21 avril risque de manquer, malgré un bilan en demi-teinte.
Le pape François à la basilique Saint-Pierre, en février 2016. (Grzegorz Galazka/Mondadori Portfolio. Getty Images)
publié le 21 avril 2025 à 19h31

Avec la mort de François ce lundi 21 avril, s’éteint une des rares voix capables de fissurer le carcan qui enserre l’Eglise depuis des siècles. Fissurer seulement car, malgré tous les espoirs placés par certains dans ce pape désireux de dédier son pontificat aux pauvres et aux périphéries, l’Eglise n’aura pas opéré de réelle révolution sous son règne. Elle se sera montrée plus ouverte à l’impératif écologique et aux souffrances du monde, notamment celle des migrants – la grande tragédie de ce début de XXIe siècle –, ce qui est déjà énorme. Elle aura peut-être été plus tolérante à l’égard des homosexuels, mais elle sera restée sourde aux demandes d’autoriser le mariage de personnes du même sexe, d’ordonner des hommes mariés ou de permettre l’avortement. Quant aux affaires de violences sexuelles, qui ont longtemps gangrené l’Eglise et qui restent un vrai sujet, elles ont fait l’objet sous François de davantage de sévérité mais pas suffisamment au vu du nombre vertigineux de délits dénoncés.

C’est donc un bilan en demi-teinte que laisse ce jésuite argentin, revenu aux sources dans la dernière partie de sa vie puisque fils et petit-fils de migrants italiens. Si sa voix, qui dénonçait dimanche encore la montée de l’antisémitisme dans le monde et la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, risque de manquer dans les mois et les années à venir, c’est parce qu’il représentait tout ce qu’exècre l’extrême droite du monde entier, du RN en France à Donald Trump et son clan aux Etats-Unis, et vice versa. Il suffit de lire sa définition du leadership pour le comprendre. «Tout leader, pour parvenir à être un véritable dirigeant, doit d’abord être un témoin. C’est l’exemplarité de la vie personnelle et le témoignage de la cohérence de la vie.» Il est à craindre que les catholiques ultraconservateurs, aux Etats-Unis et ailleurs, qui le considéraient comme un épouvantable gauchiste, fassent le forcing pour lui trouver un successeur à leur main. La présence de J.D. Vance au Vatican dimanche en était le symbole et peut-être un des signes avant-coureurs.