Un prix Nobel de la paix décerné à une journaliste emprisonnée par un régime oppresseur et totalitaire. L’annonce à Oslo que la lauréate de l’année 2023 sera Narges Mohammadi a été reçue dans le monde comme le fruit d’une décision réussie et naturelle, un message de soutien inconditionnel au combat contre l’oppression des femmes en Iran, et en général à la lutte pour promouvoir la liberté. Dans la tribune qu’elle avait écrite en septembre pour Libération, l’activiste iranienne jugeait «inévitable et impératif» de renverser le régime iranien. «Le mouvement révolutionnaire “Femme, vie, liberté” est né pour mettre fin au régime despotique religieux, il a acquis une identité, a produit de vastes actions collectives créatives, bien au-delà d’un simple événement de protestation, dont les principaux objectifs sont de retrouver la démocratie, la liberté et l’égalité. Ce processus nécessite de la persévérance en évitant toute forme de violence», nous avertissait la future lauréate.
Purgeant une peine de presque onze ans dans la prison tristement célèbre d’Evin, située dans le nord de Téhéran, sa vie rythmée d’arrestations, de menaces et d’interrogatoires par les services secrets iraniens, Narges Mohammadi ne peut malheureusement pas espérer que ce prix accélérera sa libération. Le colauréat de l’année dernière, Ales Bialiatski, figure clé du mouvement démocratique en Biélorussie, est toujours en prison à Minsk ; Liu Xiaobo, le lauréat de 2010, dissident chinois condamné un an auparavant pour «subversion», est mort en 2017 privé de sa liberté, comme le journaliste allemand Carl von Ossietzky, prix Nobel de la paix 1935, mort en 1938 dans un hôpital alors qu’il était détenu par les nazis ; et la liste est encore longue. Car ce n’est pas pour leur propre sort que ces héros et héroïnes de la paix mènent le combat, mais pour celui de leur peuple et de tous les opprimés. Narges Mohammadi mérite bien le prix Nobel de la paix, et avec lui la reconnaissance de tous ceux et celles qui se reconnaissent dans sa soif de liberté.