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Libération
L'édito de Paul Quinio

Nicolas Sarkozy en prison, grave comme une image

Un ancien président condamné pour association de malfaiteurs et écroué : l’image, si elle est capturée, marquera nos rétines en captant un de ces moments de bascule historiques que nous sommes tous appelés à regarder en face.

Nicolas Sarkozy le 13 octobre 2025 à Paris, après sa convocation par le Parquet national financier pour préparer les modalités de son incarcération. (Stephane Mahe/Reuters)
ParPaul Quinio
Directeur délégué de la rédaction
Publié le 20/10/2025 à 20h30

Mardi soir, un ancien président de la République français dormira en prison. C’est évidemment un événement majeur. Il sera sans nul doute immortalisé par une image. On ne sait pas encore laquelle. Même si les deux affaires n’ont strictement aucun rapport, on pense évidemment à celle de Dominique Strauss-Kahn, le jour de son incarcération aux Etats-Unis en mai 2011, sur décision du tribunal de New York, après les accusations de viol de Nafissatou Diallo. Elle est restée dans les mémoires. C’est la force des images quand elles saisissent ces moments de bascule, historiques ou individuels, ou les deux à la fois. Quand un regard, une moue, une attitude, le pli d’un vêtement, en disent plus long que tout.

Le jour de sa condamnation, à la sortie de l’audience où venait d‘être prononcée sa condamnation, une image de Nicolas Sarkozy devant les micros, blême, manifestement touché, retenant la fumée de colère qui remplissait son nez, s’est approchée de ce type d’instantané saisissant. Mais il lui manquait quelque chose. Sans doute ce petit quelque chose de spontané qui fait la différence, qui dit sa vérité. C’est là que le doute pointe sur l’image de ce 21 octobre qui restera dans nos rétines parce qu’elle dira le moment… Compte tenu du barnum qui se prépare, dès potron-minet devant le domicile de Nicolas Sarkozy, avec son fils Louis en chef d’orchestre des amis affligés du condamné, ce moment de vérité pourra-t-il être saisi. Cette photo-là pourra-t-elle être prise ?

Dit autrement, l’opération de com sarkozyste, «ma valise est prête», affaire Dreyfus et le Comte de Monte-Cristo sur la commode, Darmanin qui viendra au parloir, empêchera-t-elle que cette image, qui en dirait plus long que tout, existe ? On espère que non, mais on en doute. Car l’objectif de toute cette écume est bien sûr d’éloigner nos regards de la vérité d’un jugement qui a condamné un ancien président de la République à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs. Une condamnation dont il n’y a aucune raison de se réjouir. Mais une condamnation, aussi, qu’il n’y a aucune raison de pas regarder en face, décidée par une justice indépendante et indifférente au bruit et la fureur du crime de lèse-majesté.