Le courage, nous a expliqué Jean Jaurès, c’est «d’aller à l’idéal et de comprendre le réel». S’envolant mardi soir en catastrophe pour se rendre en Nouvelle-Calédonie, le président de la République pourra méditer pendant ce long vol sur les limites de l’exercice qui aura consisté à prendre ses désirs pour la réalité. L’illusion d’un calme social et d’une paix politique aura volé en éclats dans la nuit du 13 mai, plongeant Nouméa dans le chaos et nécessitant l’instauration de l’état d’urgence. Malgré l’intervention de 2 700 gendarmes, policiers et militaires, le calme est loin d’être revenu. Les deux plus grands hypermarchés de l’île principale sont hors circuit, l’un pillé et partiellement brûlé, l’autre est dans une zone hors de contrôle des forces de l’ordre. Oui, les signes avant-coureurs de la crise étaient présents pour qui aurait bien voulu les voir, comme nous le disent les spécialistes de l’archipel, toujours inscrit sur la liste des territoires non autonomes selon l’Organisation des Nations unies, entre le Sahara-Occidental et les Malouines.
Comment en est-on arrivé là, alors que le fameux «pari sur l’intelligence» du temps de Michel Rocard avait abouti à un accord salué par toutes les parties ? Si la réforme du corps électoral tant voulue par Paris a provoqué les émeutes, elle symbolise avant tout un manque de consensus qui ne tracassait personne. Dans ce carrefour de déceptions, d’attentes jamais exaucées et d’inégalités pas assez combattues, Emmanuel Macron doit avant tout accepter l’échec de sa méthode. C’est là le «courage» dont parlait Jaurès, surtout quand ce nécessaire mea culpa doit être entendu et respecté sur fond de violences qui ne vont pas disparaître par sa simple apparition.