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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Nouvelle-Calédonie : Macron temporise, il était temps !

Les propos du président de la République refusant tout passage en force sont les bienvenus, mais ils soulignent en creux les erreurs d’un exécutif qui jusque-là a fait fi de la complexité du dossier néo-calédonien.
Emmanuel Macron à Nouméa, jeudi 23 mai 2024. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 23 mai 2024 à 20h33

Pour une fois, Emmanuel Macron a compris qu’il n’avait aucun intérêt à s’entêter. Il a promis, jeudi, de ne pas passer «en force» sa réforme du corps électoral à l’origine des tensions et violences de ces deux dernières semaines en Nouvelle-Calédonie. Quitte à donner l’impression de rétropédaler, lui qui, il y a une semaine encore, assurait qu’il ne céderait jamais sous la pression, encore moins sous celle de la violence. Reconnaissons-lui ce rare moment d’humilité.

Mais, bon sang, quand on entend ou lit ces mots prononcés au terme de sa visite au pas de charge, «force est de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui une vision d’avenir commune dans l’archipel ultramarin», comment se fait-il que personne ne l’ait mis en garde plus tôt sur les risques d’un passage au forceps d’une réforme du corps électoral dont tout indiquait qu’elle allait mettre l’archipel sens dessus dessous ? Certains ministres vont sans doute se faire remonter les bretelles pour n’avoir pas mieux évalué la situation sur place, à commencer par celui des Outre-Mer, Gérald Darmanin qui, décidément, accumule depuis un bon moment les erreurs. Et aussi le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, dont le ton, depuis le début des émeutes, n’a jamais vraiment cherché l’apaisement.

Personne ne dit que la situation, sur place, est simple et qu’il suffirait d’un claquement de doigts pour que le climat s’apaise. Mais c’est cette complexité qui, précisément, rend le dialogue impératif. Trop de problèmes structurels (Emmanuel Macron est accusé par les indépendantistes d’être partial et d’avoir ruiné le lien de confiance établi par les accords de Nouméa en 1998) et conjoncturels (la pauvreté, le déclassement) s’entremêlent depuis quelques années pour que ce dossier soit traité avec la même violence qu’un 49.3 dans l’hémicycle. La Nouvelle-Calédonie, qui attise maintes convoitises dans le Pacifique, à commencer par celles de la Chine, mérite bien mieux que des rodomontades et des décisions unilatérales prises à la va-vite.