Devant un parterre pétrifié de donateurs démocrates et de journalistes, lors d’une soirée de levée de fonds jeudi soir à New York, le président américain, Joe Biden, a jugé que les menaces russes d’utilisation de l’arme nucléaire dans le conflit en Ukraine faisaient courir au monde un risque d’«apocalypse», ajoutant pour bonne mesure que Vladimir Poutine «ne plaisante pas quand il parle de l’utilisation potentielle d’armes nucléaires tactiques ou d’armes biologiques ou chimiques, parce que son armée, on peut le dire, est très peu performante. Et je ne crois pas que l’on puisse utiliser une arme nucléaire tactique sans se retrouver avec l’apocalypse». Il a rappelé que le monde n’a pas été confronté à la perspective d’une apocalypse «depuis Kennedy et la crise des missiles cubains» en 1962, renvoyant dans l’imaginaire de chacun des images de guerre froide, de missiles à ogives nucléaires et de compte à rebours pour la fin du monde.
Même la déclaration de la Maison Blanche soulignant ensuite qu’aucune frappe ne semblait «imminente» n’aura pas suffi à calmer les esprits. Les Américains prennent cette analogie historique très au sérieux. Après tout, Poutine lui-même avait proféré des menaces nucléaires claires deux semaines auparavant. Mais comme nos journalistes le décryptent dans nos pages, la différence entre les menaces stratégiques de 1962 et une manœuvre tactique de Poutine avec des armes de faible portée est immense. Si le président russe, désespéré de ses échecs successifs, se décidait à envoyer un avertissement nucléaire même sur un endroit non habité, il serait impossible de revenir en arrière. Et sans vouloir ajouter à l’anxiété ambiante, il nous faut pointer une autre différence de taille : pendant les treize jours qu’a duré la crise de Cuba, ni le leader soviétique Nikita Khrouchtchev ni le président américain John Kennedy ne voulaient d’escalade. Peut-on affirmer qu’il en est de même aujourd’hui ?