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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Offensive terrestre d’Israël à Gaza : faut-il vraiment répondre au mal par un plus grand mal ?

Guerre au Proche-Orientdossier
Pour venger les morts, laver l’affront de l’attaque du Hamas et «éradiquer» l’organisation terroriste, l’Etat hébreu s’apprête à entrer dans l’enclave palestinienne. Mettant en grave danger son armée et les populations civiles.
«Eradiquer», voilà bien un terme militaire qu'emploie Benyamin Nétanyahou dans ses ambitions guerrières au sujet du Hamas. (Imago/Panoramic)
publié le 22 octobre 2023 à 21h23

Voilà donc l’armée israélienne prête à sauter à pieds joints dans le piège tendu par le Hamas : entrer dans Gaza, traquer les islamistes dans l’entrelacs labyrinthique des ruelles que ces derniers maîtrisent au millimètre, se glisser au fond des tunnels minés, tirer sur chaque silhouette en vue, quelle qu’elle soit, terroriste ou non. Cette offensive s’annonce sanglante, pour les militaires de Tsahal comme pour les populations civiles de Gaza et ne parlons même pas des otages israéliens, français, britanniques, allemands, américains et on en oublie – plus de vingt pays ont des concitoyens retenus captifs par le Hamas. Les autorités israéliennes sont bien conscientes de tous ces dangers mais elles considèrent qu’elles n’ont pas d’autre choix que celui d’y aller.

Pour elles, il s’agit autant de laver l’humiliation subie par les attaques surprises du Hamas le 7 octobre que de venger les centaines d’Israéliens abattus dans des conditions atroces et d’«éradiquer» l’organisation terroriste, comme l’Occident a éradiqué Daech, répète Benyamin Nétanyahou. «Eradiquer», voilà bien un terme militaire, «faire disparaître un mal», nous dit le Larousse. Mais peut-on faire disparaître un mal en causant un mal aussi grand en retour ? Les enfants palestiniens de Gaza qui vont voir leurs parents tués ou mourir de faim dans les jours ou les semaines à venir ne vont-ils pas vouloir faire du mal à leur tour ? Certains pays ont bien conscience du danger et pressent les dirigeants israéliens de retenir leurs coups et de contenir leur rage. Certains soldats aussi. Gaza «est un environnement complexe, dans lequel tu sens que le Hamas est partout, tout le temps. Tu ne les vois jamais, jusqu’à ce qu’ils te tombent dessus dans une embuscade», a confié un ancien membre d’une unité d’élite entrée dans Gaza en 2014 à notre correspondant en Israël. Il souffre aujourd’hui d’un stress post-traumatique et milite pour le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. On le sait tous : après le fracas des armes viendra le dialogue. Mais le mal sera fait.