L’offensive terrestre de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, qui paraissait samedi 7 octobre n’être qu’une ultime possibilité, semble être devenue inévitable. Après la découverte de l’étendue des massacres perpétrés par le Hamas sur des civils, dont de nombreux enfants, l’opinion publique israélienne est chauffée à blanc, exactement comme l’espéraient les terroristes. Après le carnage à la rave party, immédiatement relayé samedi par les vidéos prises par les assaillants, les Israéliens ont pris connaissance, jour après jour, d’autres massacres perpétrés dans des kibboutz et des communes du Neguev, en plein territoire israélien. Les détails macabres de ces assassinats rendent la comparaison avec les pogroms inéluctable. Dans un remake tragique de La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux, nul ne pourra maintenant arrêter le déferlement des tanks. Les Etats-Unis sont entrés en période électorale, la Chine n’a aucune influence politique dans la région, l’Europe est profondément divisée et la Russie s’attend à en bénéficier. La théorie selon laquelle une invasion de Gaza, un labyrinthe de ruelles densément peuplées cachant un immense réseau souterrain piégé et bunkérisé, serait trop coûteuse en vies humaines pour Tsahal s’est effacée après le bilan vertigineux des morts israéliens cette semaine.
Nos journalistes le long de la future ligne de front ont pu le constater, l’envergure des préparatifs est bien visible même avant que le nouveau cabinet de guerre israélien ait pu peaufiner ses plans. Quel en serait le but ? Que ce soit une campagne pour affaiblir le Hamas, ou une occupation prolongée destinée à l’anéantir, c’est principalement la population civile de Gaza qui en paiera le prix, car toute offensive terrestre sera précédée d’un tapis de bombardements aériens forcément aveugles. Les deux opposants principaux aux accords d’Oslo, Ismaël Haniyeh pour le Hamas et Benyamin Nétanyahou pour le Likoud, se retrouvent maintenant dans ce face-à-face inexorable que leurs propres actions ont engendré. L’un est dans son asile doré au Qatar, l’autre dans sa villa fortifiée de Césarée. Jean Giraudoux nous avait prévenus : «Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse.»