La question du pacifisme peut paraître provocante alors que les armes tonnent aux portes de l’Europe, que le Proche-Orient est en feu et que les crédits militaires grimpent en flèche un peu partout dans le monde sans que cela n’émeuve personne. Mais justement : que s’est-il passé pour que l’on en vienne à considérer la guerre comme une probabilité forte, à laquelle il convient de se préparer, alors qu’il y a quarante ans à peine, les armes étaient considérées comme quelque chose de sale et la guerre un épouvantable reliquat du passé ?
Il s’est passé deux ou trois événements d’importance, admettons-le, qui ont soudain fait des «dividendes de la paix» - slogan inventé au moment où l’URSS s’est effondrée et, avec elle, la menace d’un déferlement des chars du pacte de Varsovie sur l’Europe de l’Ouest -, une incantation vide de sens, du moins terriblement vieillie. Entre montée de la menace jihadiste, réémergence des nationalismes, et ambitions folles d’un Poutine déterminé à reconstituer la grande Russie en reconquérant les anciennes républiques soviétiques, l’Europe s’est à nouveau muée en possible terrain de guerre, et d’autant plus que l’allié américain, soudain, tournait casaque, abandonnant le Vieux Continent à son sort.
C’est ainsi que les pacifistes d’hier sont devenus, pour beaucoup, les va-t-en-guerre d’aujourd’hui, et qu’Emmanuel Macron peut appeler au réarmement sans que cela jette la jeunesse dans la rue. Celle-ci a compris depuis longtemps que, entre le dérèglement climatique et les batailles de dirigeants fous furieux, son avenir ne serait pas pavé de roses. D’autant que certains mots et symboles semblent avoir singulièrement perdu de leur sens. Si Donald Trump, un des plus grands pyromanes de la planète, s’est tant démené pour organiser une rencontre avec Vladimir Poutine en Alaska et tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine, c’est bien parce qu’il rêve de recevoir le prix Nobel de la paix. Quitte à ce qu’il s’agisse d’une paix de dupes, propice à de nouvelles guerres.